La série Deadpool par Gerry Duggan et Brian Posehn avait commencé avec un arc complètement fou, où le mercenaire à grande gueule devait contrecarrer les plans de présidents américains zombies complètement ravagés.


D’ailleurs, j’en ai dit beaucoup de bien ici-même.


Il n’était pas prévu que je continue à chroniquer la suite. Le tome 2 relié de l’édition française, contenant les épisodes 7 à 12, revenait à une intrigue plus classique, autour de possessions démoniaques, d’âmes sauvées (ou pas) et de manigances avec un démon ambitieux. C’était bien, mais comme d’autres séries superhéroiques, il n’y avait pas la nécessité d’y revenir.


Mais pourtant, avec ce tome 3, qui reprend les épisodes 13 à 19, je ne peux que saluer à nouveau le travail des scénaristes Gerry Duggan et Brian Posehn. Le premier arc de la série était une aventure jouissive et cinglée, le deuxième un jeu de dupes entre Deadpool et le Diable, mais le troisième va encore plus loin vers un nouveau ton, bien plus sombre.


Les deux premiers épisodes introduisent le reste des épisodes et se font sur un ton encore badin, avec une histoire autour d’un méchant appelé « l’homme blanc » et toutes les plaisanteries que peut en tirer Deadpool qui, une fois de plus, n’a pas la langue sage. Mais ils évoquent alors un personnage qui sera un enjeu plus tard, tandis qu’une des intrigues vues précédemment commence à lever son voile de mystère. On l’avait vu se faire droguer puis charcuter pour en extraire des organes. Mais à quelle fin ?


La raison est des plus sinistre. Pour créer des petits soldats génétiquement modifiés, en mêlant son ADN et donc son pouvoir de guérison à d’autres de mutants bien connus, le tout expérimenté sur des « volontaires ». Cela se déroule en Corée du Nord, et le bricolage génétique fait peine à voir, les « X-Men » ainsi crées sont de pauvres bougres qui rappellent les originaux mais dans des versions plus piteuses.


Ces « œuvres » sont celles de Butler. Que les scénaristes rattachent au passé de Deadpool. Les fans le savent, son histoire est un grand merdier, aux zones d’ombre bien floues, aux contradictions évidentes et parfois aussi aux rafistolages un peu mal foutues d’autres scénaristes. Il n’y aura pas de grandes révélations, et on peut avoir l’impression que toute liberté n’a pas été laissée aux deux scénaristes, à moins qu’ils ne se soient restreints d’eux-mêmes. Mais ce qu’ils proposent reste solide et laisse un goût amer dans la bouche, surtout dans celle de Deadpool.


D’ailleurs, confronté aux mensonges et manipulations de Butler, ce dernier n’est guère d’humeur à la rigolade. L’humour sera bien plus discret, pour ne pas dire amer. C’est un Deadpool à bout, à la fois dégoûté d’avoir été un jouet mais aussi dépassé par l’horreur des actions et des compromissions de Butler. Il nous rappelle pourquoi le personnage est si apprécié, même si certains scénaristes l’oublient : ce n’est pas qu’un bouffon, son humour atténue les fêlures d’un esprit qui a connu bien des drames et autres saloperies.


C’est d’autant plus clair, qu’il est ici accompagné. Les personnages secondaires introduits auparavant sont en retrait, et ce n’est pas pour rien, car Wolverine et Captain America l’épaulent, ou en tout cas finiront par l’aider malgré des premiers contacts peu chaleureux. Car le programme de l’Arme Plus auquel a souscrit Deadpool concerne aussi ces deux grandes figures, qui ne sont pas ici par (seul) intérêt commercial. De plus, avec leurs personnalités marquées, ils offrent un contrepoint intéressant à celle en vrac de Wade Wilson, bien conscients des drames qui se jouent contre lui dans cette aventure.


Le ton est donc plus sec, plus âpre. Après quelques épisodes dessinés sans grands éclat par différents représentants et suite à la belle claque graphique de Terry Moore dans le premier arc, c’est un soulagement de constater que les épisodes 15 à 19 ont été confiés au bon illustrateur, Declan Shalvey. Son trait assez nerveux et fin convient bien à ce ton plus sombre. Les arrière-plans sont négligés, mais quand la colorisation ne décide pas d’en faire trop, il y a de belles compositions à l’atmosphère plus noire.


Deux histoires bien différentes que j’ai voulu mettre en avant, avec ce premier tome et celui-ci, et pourtant incroyablement bien réussies, qui vont du plaisir régressif jubilatoire au drame amer. Il y a plein de bonnes histoires de Deadpool, c’est évident, mais Gerry Duggan et Brian Posehn ont réussi à en ajouter des nouvelles, bravo. La suite de leur run est d’ailleurs hautement recommandable, chapeau. Mais le premier tome et le troisième tome, différents et complémentaires, font partie des meilleures histoires écrites sur le mercenaire. Ils sont d’ailleurs en bonnes places dans le top Senscritique des meilleures histoires du personnage.


Quand à cet arc scénaristique, Panini Comics l'a réedité dans sa collection des "Must-Have" en le présentant comme "peut-être la meilleure histoire de DEADPOOL", ce qui n'est pas si usurpé.

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le 23 sept. 2021

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