Le Loup des mers par Eric17
Le Loup des Mers est un avant tout un roman de Jack London datant du début du vingtième siècle. Je ne le connaissais pas jusqu’à ce que mon frère m’offre une adaptation de cette histoire en bandes dessinées. Elle est l’œuvre de Riff Reb’s, un auteur que je ne connaissais pas non plus. Le bouquin est un bel objet. Il incite à la lecture tant par la qualité de sa couverture que de la texture du papier. Cet album est édité chez Soleil dans la collection Noctambule. Il se compose de 128 planches et coûte 17,95 euros. Sa parution date du 31 octobre 2012.
La quatrième de couverture est originale. Au lieu d’y exposer en quelques phrases les enjeux de l’histoire, l’auteur préfère nous offrir quelques citations de London. « Comme Hobbes, j’affirme que la pensée est indissociable de la matière qui pense. » « Comme Bacon, j’affirme que le monde des sens est à l’origine de toute compréhension humaine. » « Comme Locke, j’affirme que toutes les idées humaines sont attribuables au fonctionnement des sens. » « Comme Kant, j’affirme l’origine mécanique de l’univers, et que la création est un processus naturel et historique. » « Comme Laplace, j’affirme que l’hypothèse d’un créateur est inutile. »
L’histoire est vécue du point de vue de Humphrey Van Weyden, un jeune écrivain de San Francisco. Il s’apprête à embarquer pour retrouver un ami de l’autre côté de la baie. Ce trajet ne le mènera jamais à bon port. Le bâtiment fera naufrage et l’auteur sera repêché sur un navire de pêche. Ce dernier est dirigé par le Loup Larsen qui refusera à son « invité » de reprendre la route vers chez lui. Il l’assigne au poste de mousse et l’embrigade ainsi dans une aventure qui doit les mener au large du Japon chasser le phoque…
A certain moment, le lecteur peut croire qu’il se trouve plongé dans un carnet de voyage. Le dépaysement est total. Le sentiment d’être au milieu de nulle part en direction de terres inconnues et lointaines est très bien rendu par le narrateur. La qualité de ses illustrations participe à l’atmosphère oppressante de la lecture très souvent. La promiscuité, la crasse, la sueur, la violence… Toutes ses sensations nous jaillissent au visage au fur et à mesure que les pages défilent. A aucun moment, le calme ne trouve sa place. J’ai vraiment pris beaucoup de plaisir à m’immerger dans cet univers de marins rudes et brutaux. J’avais vraiment le sentiment de me trouver à leur côté. De plus, le fait de découvrir ce monde à travers le regard de Humphrey facilite l’immersion du lecteur. Tout comme lui, je découvrais le quotidien de ces loups de mers, leurs quotidiens, leurs habitudes et leurs codes.
Mais la trame ne se résume pas à enchainer les événements d’un voyage en mer. Le capitaine du bateau donne son titre à l’ouvrage et cela n’est pas pour rien. En effet, le personnage du Loup Larsen est un monument. Son charisme transpire de la page à chacune de ses apparitions. Son amoralité incite à le détester mais malgré cela il fasciné. Il génère peur et admiration. Je me garderai de vous le décrire trop en détail pour ne pas vous en gâcher la découverte. Néanmoins, sachez qu’il ne peut laisser aucun lecteur indifférent. Même quand il n’est pas là sa présence irradie les autres protagonistes. D’ailleurs tous les marins ressentent des sentiments controversés à l’égard de leur capitaine. Riff Reb’s ne se contente pas de faire exister Le Loup des Mers, il donner également une vraie identité aux différents habitants du navire. Cela participe évidemment à la densité de l’atmosphère.
La cerise sur le gâteau de cette fresque maritime est la relation entre Humphrey et le Loup. Elle est d’une complexité et d’une schizophrénie remarquable. Elle est difficile à caractériser et à décrire en quelques mots. Là encore, je ne veux pas trop développer mon analyse. Je ne voudrais trop vous en dévoiler. Disons que Humphrey ressent toute l’ambiguïté du personnage de Larsen de la même manière que le lecteur peut la percevoir. Cela génère des scènes et des échanges très intenses entre les deux protagonistes qui s’avèrent passionnants et envoutants.
Pour conclure, j’ai été conquis par cet ouvrage. C’est un petit bijou du neuvième art. J’ai oublié de vous préciser que la narration est découpée en chapitre à la manière d’un roman et que chacun possède une identité chromatique propre. Je trouve cela splendide car ce choix sur les couleurs habille encore davantage l’atmosphère de la lecture. Je ne peux donc que vous conseiller de vous y plonger au plus vite. Vous ne regretterez pas le voyage et n’en sortirez pas indemnes !
