Chronique complète
Extrait :
Précurseur avec Moto Hagio et tant d’autres autrices du genre Shonen-aï (Yaoi, relation amoureuse entre jeunes hommes), Keiko Takemiya voit enfin son premier gros titre être publié en France. C’est NaBan édition qui se lance dans ce défi, avec une édition particulière afin de la proposer en dix volumes. Vous connaissez sans doute déjà l’autrice, puisqu’elle est aussi à l’origine de Destination Terra ou encore Yamato le cuirassé de l’espace (ses seuls autres titres publiés en français). Pour ma part, je la découvre totalement avec cette série.
TW : agression sexuelle, pédophilie, inceste, racisme, harcèlement, addictions
Le tome commence avec une préface de trois pages, je trouve que c’est écrit un peu petit mais tant pis. Celle-ci rajoute un contexte historique autours de l’œuvre et j’ai bien aimé. Que ce soit pour ce titre ou ceux de Moto Hagio, je ne pense pas que le choix de l’Europe comme lieu d’intrigue soit un hasard. Outre le lien avec le cinéma qui semble fort, je pense aussi que ce genre de titre n’aurait pas passé auprès du public (ou du gouvernement) japonais de l’époque. Ce n’est pas pour rien si au départ il n’y avait pas vraiment de romance ou de scènes liées. Le Japon et ses habitants a une certaine tendance pudique pour certains sujets (alors même qu’ils prennent des bains en publics). C’est simple, au Japon, si on sort des cases préconçues on finit par faire partie des parias, car on ne rentre pas dans le moule et on fait croire qu’on ne veut pas s’intégrer. Ors c’est plutôt l’inverse, les autres empêchent les gens différents de s’intégrer et leur font bien comprendre cette différence. Placer ce récit en Europe permet donc d’éviter certains déboires et amalgames que certains extrêmes auraient tendance à sortir pour faire censurer l’œuvre. J’imagine aussi que l’Europe a un certain charme, qu’on nous considère ouvert d’esprit et que cela rajoute une certaine ambiance à l’atmosphère de la série. Je dirais même que l’homosexualité présente dans ce titre n’est sans doute pas la partie la plus choquante. C’est bien son côté agressif et sans consentement qui l’est. Gilbert, l’un des personnages principaux est assez mystérieux, il semble utiliser son corps pour obtenir tout ce qu’il veut, mais surtout pour détruire et jouer avec les autres. Il semble lui-même avoir un certain trauma à ce sujet, donc j’avoue ne pas saisir pourquoi il continue sur cette voie…
Le fait que l’on se retrouve dans un pensionnat très religieux, avec sans doute un prêtre (ou plus haut gradé) à sa tête n’aide pas. Au contraire, la série me fait grandement penser aux événements de Bétharram… Même si ici, seul Gilbert semble être abusé par un ou des adultes (et même s’il donne l’impression d’apprécier, ça ne change rien au crime). Après, l’autrice ne pouvait pas avoir connaissance de ses faits, le titre étant sorti en 1976, alors que les dénonciations ont commencées en 2023 seulement… L’autre personnage important est Serge, un métisse, qui va donc subir du racisme et aura subi des sévices lui-même depuis son plus jeune âge. Il se sentira proche de Gilbert car ils semblent avoir un passé douloureux similaires et qu’il n’aime pas trop tout ce qui circule autour de lui. Malheureusement, ce premier tome donne l’impression qu’il se fera piéger par Gilbert et qu’il tombera dans ses bras comme tous les autres. Gilbert prend plaisir à conquérir les autres, à faire en sorte qu’ils aient besoin de lui, quitte à les briser totalement moralement parlant. Comme indiqué plus haut, c’est une école très religieuse, donc autant le dire, ses rapports sont jugés impurs… Je ne sais pas trop quoi penser de Gilbert, j’ai l’impression qu’il m’énerve plus qu’autre chose, c’est plus pour Serge que j’ai de la pitié.
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