Le Pont de Sépharée - Sept cavaliers, tome 3 par Jambalaya
Sept Cavaliers est une bien étrange bande dessinée, étrange à la manière du travail qu’ont produit François Schuiten et Benoît Peeters sur leurs formidables Cités Obscures. On en retrouve d’ailleurs plusieurs aspects dans cette trilogie qui ravira les adeptes d’univers mélancoliques et intemporels.
Car ce sont bien ces aspects qui ressortent principalement de cette douce bande dessinée, la mélancolie, l’intemporalité et même un certain décalage de l’univers crée par rapport à notre univers réel. Les créateurs mélangent avec d’ailleurs beaucoup de talent diverses époques et divers univers.
C’est ce qui fascine dès les premières pages, un monde qui semble à la fois si proche du nôtre par la citation de villes et de régions du monde connues, mais auquel viennent s’ajouter des lieux, des peuples et des coutumes sociales et culturelles qui semblent directement sortis d’un univers parallèle. L’exercice était probablement périlleux, celui de dérouter le lecteur par un décalage trop important et une greffe d’un monde étrange sur le nôtre qui n’aurait pas pris.
Mais la greffe prend, dès les premières pages, ce qui était d’abord de la curiosité se transforme aisément en fascination pour un monde qu’on sent finissant, monde dans lequel décident de s’aventurer sept cavaliers, leur but étant de voir ce qu’il en reste, d’établir une sorte de bilan de leur civilisation mourante. On suit leur périple avec un intérêt croissant de page en page, où l’on découvre en même temps qu’eux des villages isolés, désertés sans raison apparente par leurs habitants et leur religion si importante, où de nouvelles formes de rapports sociaux et de hiérarchie ont pris place.
Tout se fait en douceur, cela marque. Cette bande dessinée à travers une intense mélancolie, distille une grande douceur venant probablement de la résignation des sept cavaliers à voir leur civilisation s’éteindre. On partage, sans trop savoir pourquoi, leur désarroi devant la disparition de ce qu’ils ont connus, de tous leurs repères. Pourtant, cette résignation ne semble pas signifier de l’abattement, ils veulent malgré tout poursuivre leur épopée, et comprendre. Il est difficile de mettre par écrit toutes les sensations que procure cet ouvrage si mystérieux, on peut cependant parler de celles que l’on peut ressentir en lisant le dénouement, si toutefois on peut qualifier ainsi les dernières pages. Certains lecteurs hurleront au scandale, d’autres seront perplexes enfin, et ils seront peut-être les plus nombreux, il y aura ceux qui feront fonctionner leur imagination, ravi qu’on leur en donne l’occasion.
Au final, on retiendra peu le trait de dessin qui, sans être absolument original, reste néanmoins fluide, précis, efficace et au service du réalisme de l’œuvre. De là à dire que le fond l’emporte sur la forme, cela ne serait pas rendre justice au dessinateur qui reste talentueux. Si à l’étrange de l’histoire s’était ajouté l’étrange du dessin, la bande dessinée aurait peut-être repoussé beaucoup de lecteurs. Mais l’équilibre est préservé et cet ouvrage emporte l’adhésion.
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