Gotcha!

Morrison poursuit en beauté son run de Batman (2006-2008) et on sent l'épilogue approcher. Après les événements croisés de Batman R.I.P., Final Crisis, et Time and the Batman au cours desquels Batman était porté disparu, d'autres auteurs nous ont offert un intermède durant lequel Dick Grayson a endossé le costume de l'homme chauve-souris (Battle for the Cowl, Batman Reborn, Batman and Robin #1-26) et succédé à son mentor. Grant Morrison a maintenant la lourde responsabilité de réintroduire dans le monde des vivants le héros le plus populaire de l'univers DC. C'est ce qu'il fera avec cet arc compilant les albums Batman: The Return of Bruce Wayne #1-6 (2010).

Pour résumer brièvement, Batman qui a affronté le dieu Darkseid dans Final Crisis a été touché par le rayon Oméga qui, au lieu de le tuer, le condamne à errer dans le passé sans souvenirs de son identité. En faisant cela, Darkseid compte sur l'instinct de survie et les qualités surhumaines de Bruce Wayne pour que celui-ci revienne dans le temps présent, chargé d'énergie Oméga, une bombe humaine prête à exploser et ainsi annihiler toute forme de vie sur Terre. Ouf, c'est du Morrison, on vous aura prévenus !

Bruce Wayne est ainsi transporté à différentes époques, à chaque fois dans un lieu qui s'apparente à Gotham, voire à l'emplacement précis du futur manoir Wayne et à sa grotte sous-terraine : le paléolithique, à l'arrivée des pèlerins au XVIIe s., au XVIIIe siècle au milieu des pirates, au XIXe siècle dans un embryon de ville, puis au début du XXe siècle au moment de la mort de ses parents et enfin dans un temps futur. Outre l'énergie mystique liée au lieu -- on est pleine géomancie -- et à sa fameuse tribu d'hommes chauves-souris, Bruce Wayne croisera sur sa route de futurs personnages du DC-verse (Jonah Hex, Vandal Savage, le professeur Nichols, le docteur Hurt...) et surtout ses ancêtres de la famille Wayne, avec en fil rouge une malédiction et un coffre secret qui doivent parvenir au Bruce Wayne du temps présent.

Une des originalités de cet album est de confier chaque numéro à un dessinateur différent, chacun apportant vraiment un style particulier. Un parti-pris assez disruptif qui matérialise plutôt bien les sauts dans le temps et retranscrit correctement les ambiances propres à chaque période. Les couvertures sont toutes signées Andy Kubert et sont magnifiques. Les autres épisodes sont signés :

#1 "Shadow on Stone" (Chris Sprouse), illustrations correctes, on aurait pu espérer mieux de cet artiste.

#2 "Until the End of Time" (Frazer Irving), dessin original, qui prend assez bien avec l'époque austère des Pères pèlerins.

#3 "The Bones of Bristol Bay" (Yanick Paquette), le plus joli certainement.

#4 "Dark Knight, Dark Rider" (Georges Jeanty), très en-deçà des cinq autres. Franchement raté.

#5 "Masquerade" (Ryan Sook + Pere Pérez), bon dessin, rétro à souhait, retranscrivant bien l'ambiance de ce Gotham noir et satanique.

#6 "The All-Over" (Lee Garbett + Pere Pérez), du comics classique.

Dans l'ensemble un bon album, aussi complexe qu'un script de Morrison puisse l'être, mais qui a le mérite de recoller quelques morceaux perdus en route... On peut aussi reconnaître à cette parenthèse Bruce Wayne d'avoir permis une succession intéressante et une relation complexe entre le nouveau Batman (Dick Grayson), son Robin (Damian Wayne) et Red Robin (Tim Drake). Là où j'avais trouvé Final Crisis indigeste et trop long (et encore je ne me suis pas fadé tous les tie-ins), ici on peut regretter que certains développements ne soient pas plus aboutis, comme le mystère autour du meurtre de Martha Wayne qui semble remonter à la malédiction prononcée dans le chapitre 2. Quoiqu'il en soit, Morrison en véritable iconoclaste aura profondément secoué le Bat-verse !