Boum ! Après avoir sauvé le monde une demi-douzaine de fois, et fait triompher la démocratie sur la moitié de la planète ou presque, Tintin, à peine revenu d’un marathon maritime à travers l’Atlantique Nord et l’Arctique, décide de changer de cap : aujourd’hui, il ne quittera pas ses pantoufles !
Avec Le Secret de la Licorne, Hergé démontre que Tintin n’a pas besoin de voyager aux quatre coins du globe pour trouver l’aventure, et il livre un album complètement hors-norme : première aventure intégralement en Belgique, unique flashback de la série, et premier album résolument a-politique, c’est aussi et surtout l’intrigue policière la mieux travaillée et la plus aboutie qu’Hergé ait écrite.

Le Secret de la Licorne est peut-être l’album le plus exigeant de la saga : à première lecture, on passerait sur cette intrigue tortueuse sans vraiment comprendre, et on n’y verrait qu’un prologue poussif (mais nécessaire) au Trésor de Rackham Le Rouge, autrement plus dépaysant. Pourtant, pour peu qu’on accorde une solide relecture à ce polar bruxellois, on découvre tout le charme de l’album : une aventure haletante, parcourue de plusieurs trames distinctes, et bourrée d’un humour ravageur (les chutes en pagaille, aucun personnage n’est épargné !). On peut regretter la longueur de l’explication finale (six cases pleines d’un long monologue), mais c’était nécessaire pour achever un scénario aussi fouillé que celui-ci.

Le talent d’Hergé, dans cet album, c’est d’amener l’évasion sans faire voyager nos héros pour autant. Ayant visiblement pris goût non seulement au Capitaine Haddock, mais aussi aux intrigues maritimes (depuis L’Etoile Mystérieuse), Hergé introduit ici une séquence absolument géniale : l’histoire du Chevalier de Hadoque, ancêtre du Capitaine.
Ces quelques pages sont révolutionnaires sur tous les plans : deux dessins larges en demi-page pour représenter le navire puis l’abordage, et l’alternance entre passé/présent pour rythmer la narration sans perdre le fil. Cela permet aussi à Hergé d’amener la violence et la mort (Haddoque zigouille deux types à coups de sabre) sans jamais la montrer directement. L’image du Chevalier pris de frénésie et pourfendant Rackham (que Hergé représente avec pas moins de quatre paires de jambes, cinq têtes et huit sabres !), est complètement inédite dans son style de ligne claire, c’est certainement l’un de ses meilleurs dessins.

Un album prenant, complexe, et truffé de clins d’œil. On sent que Hergé a mûri, mais également qu’il est moins optimiste qu’avant, ses idées dépressives se retrouvent dans l’alcoolisme chronique de Haddock. Le Secret de la Licorne ouvre une nouvelle page dans la série Tintin : les aventures en diptyque, loin de toute politique, des albums souvent mieux travaillés et plus adultes que les premières intrigues. Hergé vient d’inaugurer l’âge d’or de Tintin.
Wakapou
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le 30 juin 2013

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