C'est peut-être mon côté "je kiffe Agatha Christie" qui m'a plus fait apprécier que la moyenne un opus comme L'Affaire du collier. En effet, cela ne me dérange pas du tout quand un Blake et Mortimer reste exclusivement dans le registre policier. Et c'est peut-être pour cela que j'ai trouvé Le Serment des cinq lords tout à fait prenant du début jusqu'à la fin, même si l'ensemble a clairement ses limites.


Au début, le lecteur assiste une scène étrange de confrontation dans laquelle est mêlé rien de moins que le fameux Lawrence d'Arabie. Ensuite, après un bond dans le temps de près de quarante ans (on revient dans le présent !), il est témoin du vol d'un violon effectué par une personne déguisée en fantôme. Après, il va être horrifié (enfin, cela a été le cas pour moi !) par un meurtre, dont il est suggéré qu'il est aussi cruel que brutal et que les deux assassins (dont l'un d'eux est celui qui a dérobé l'instrument de musique !) éprouvent une jouissance sadique à le commettre.


Non, il n'y a pas Olrik. Ce charmant monsieur n'est pas du genre à reculer devant un crime, mais il le fait sans plaisir ni déplaisir et toujours avec une certaine classe. Donc, on se doute tout de suite qu'il n'apparaîtra pas dans cet album. Et j'ai envie de dire que c'est tant mieux. Blake et Mortimer peuvent tout à fait vivre sans lui (par contre, ce n'est pas réciproque, car Olrik a besoin de ses deux ennemis pour exister !). Cela donne un peu de changement. Et Jacobs l'avait déjà fait en plus dans Le Piège diabolique.


Bref, pour en revenir à notre histoire et pour ne plus évoquer notre habituel charismatique antagoniste, la sensation de menace est très prégnante. Les méchants sont prêts à tout, à ne se priver d'aucune violence pour parvenir à leurs fins. Et j'ai eu envie de savoir le plus rapidement possible pourquoi et ce que cela à voir avec Lawrence d'Arabie. C'est pour cette raison que je n'ai pas interrompu ma lecture jusqu'à la dernière case. La résolution n'est pas décevante.


Les défauts, maintenant...


C'est très bien de ne pas avoir mis Olrik dans l'intrigue, mais pourquoi ne pas l'avoir fait aussi avec Mortimer ? Dans Le Piège diabolique (oui, m'y revoilà !), le temps de présence de Blake se réduit à presque rien du tout. Il aurait été possible de le faire avec Mortimer cette fois-ci, car, franchement, à part lors du rebondissement final,


quand il sert de leurre pour attirer Blake dans un traquenard,


il ne sert à que dalle. Blake, dans son passé d'étudiant oxfordien et dans son présent d'alumnus, suffisait largement.


Et le graphisme.


Je n'ai jamais eu la chance jusqu'ici de pouvoir visiter Oxford et d'en avoir vu la célèbre université, mais, par de nombreux films et séries, j'ai eu la possibilité de constater que c'était un endroit magnifique. Or, quand j'ai regardé les décors de la BD, jamais la beauté des lieux n'est mise en avant. C'est d'une pauvreté affligeante. Par exemple, le casse dans le musée donne l'impression de se dérouler dans un intérieur bourgeois conventionnel et pas du tout au sein d'un bâtiment ayant un passé historique encore plus ancien que celui de l'Empire Aztèque. Quand je compare cela à la visite au Musée du Caire dans Le Mystère de la grande pyramide, pendant laquelle Jacobs en fout plein la vue, l'écart de niveau est choquant.


Et pourquoi mettre en avant, dans certaines cases, une personne qui n'aura aucun rôle par la suite au lieu de se concentrer sur ce qui est important, à savoir le ou les protagonistes ? L’œil s'attarde ainsi sur des détails insignifiants au lieu d'avoir son attention constante sur le déroulement de l'enquête.


Et il y a aussi, assez régulièrement, des choix d'angles de vue contestables, à l'instar du moment où Mortimer est renversé par un vélo. Dans la deuxième case de la page 24, il est montré de dos, alors qu'il s'approche du danger (sans parler (tiens, un exemple du problème évoqué précédemment !) du "figurant" sur lequel il est tentant de se focaliser au lieu de le faire sur ce qui est important, donc Mortimer marchant en arrière-plan !). La sensation de menace, qui aurait pu être efficace si notre héros avait montré de face, permettant en même temps de voir la bicyclette approcher, est, en conséquence, déplorablement occultée.


Ah oui, dessin de Juillard oblige, mais là, je crois que c'est encore pire qu'avant, les visages n'ont aucune expressivité.


Bref, heureusement que Le Serment des cinq lords bénéficie d'un scénario solide, captivant, parce qu'en ce qui concerne la forme, surtout la forme, c'est très loin d'être à la hauteur.

Plume231
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs albums de Blake et Mortimer

Créée

le 16 avr. 2021

Critique lue 382 fois

20 j'aime

1 commentaire

Plume231

Écrit par

Critique lue 382 fois

20
1

D'autres avis sur Le Serment des cinq lords - Blake et Mortimer, tome 21

Le Serment des cinq lords - Blake et Mortimer, tome 21
Eric17
6

Critique de Le Serment des cinq lords - Blake et Mortimer, tome 21 par Eric17

« Blake et Mortimer » est une série pour laquelle je ressens une réelle affection. Je l’ai découvert dans la bibliothèque parentale. J’ai toujours pris beaucoup de plaisir à me plonger dans les...

le 4 mai 2013

4 j'aime

Du même critique

Babylon
Plume231
8

Chantons sous la pisse !

L'histoire du septième art est ponctuée de faits étranges, à l'instar de la production de ce film. Comment un studio, des producteurs ont pu se dire qu'aujourd'hui une telle œuvre ambitieuse avait la...

le 18 janv. 2023

286 j'aime

19

Oppenheimer
Plume231
3

Un melon de la taille d'un champignon !

Christopher Nolan est un putain d'excellent technicien (sachant admirablement s'entourer à ce niveau-là !). Il arrive à faire des images à tomber à la renverse, aussi bien par leur réalisme que par...

le 19 juil. 2023

208 j'aime

29

The Batman
Plume231
4

Détective Batman !

[AVERTISSEMENT : cette critique a été rédigée par un vieux con difficile de 35 piges qui n'a pas dû visionner un film de super-héros depuis le Paléolithique.]Le meilleur moyen de faire du neuf, c'est...

le 18 juil. 2022

137 j'aime

31