Avec cet album, Patrice Pellerin entame sa série L’Épervier qu’il ne faudrait pas confondre avec Les sept vies de l’épervier due à André Juillard et Patrick Cothias et qui se situe au XVIe siècle. Patrice Pellerin travaille seul (scénario, dessin et couleurs) et situe son histoire au XVIIIe dans les milieux maritimes bretons. Ici, le cadre se situe à Brest et aux alentours.


L’album commence par un rendez-vous qui se conclue par l’assassinat du comte de Kermellec, d’où le titre de l’album. Le comte attendait Yann de Kermeur qui devait le retrouver dans son manoir, au soir. Quand Yann arrive dans la propriété, il entend un coup de feu qui l’attire vers la chapelle. Dans cette chapelle, située sur la propriété Kermellec, reposent les ancêtres de la famille. Yann y trouve le comte agonisant.


Nous avons vu ce qui s’est passé. Un groupe conduit par un homme masqué s’est introduit subrepticement dans la chapelle, a soulevé le lourd couvercle en pierre d’un tombeau, pour découvrir le corps d’un mort tenant dans ses mains un objet en poterie. L’homme masqué s’en empare en s’exclamant « TLALOC ! » et en pensant qu’il devient riche. Mais le bruit du couvercle de la tombe s’effondrant au sol a attiré l’attention du comte de Kermellec, un vieil homme ne faisant pas le poids, seul. Indigné par cette irruption dans son domaine, il régit naturellement. Mais, sa tentative d’intimidation lui vaut un coup de pistolet de l’homme masqué qui s’enfuit avec ses hommes, juste avant l’arrivée de Yann. Ce dernier a la malchance d’arriver dans la chapelle juste avant les hommes du comte qui, voyant la scène, considèrent que Yann est l’assassin de leur maître. Avant de pousser son dernier soupir, le comte parvient à articuler quelques mots pour Yann. Celui-ci les enregistre, mais sans comprendre l’intention du comte.


Yann face à la justice


Nous savons donc que Yann est innocent. Mais il échappe de peu à un lynchage. Une situation qui nous permet de comprendre déjà une partie des enjeux de la série. En effet, c’est la petite-fille (la comtesse, séduisante et élégante jeune blonde, dont on apprend un peu plus tard le prénom : Agnès) du trépassé qui réclame que la justice s’applique selon la loi et non de façon expéditive. Un peu plus tard, alors que Yann s’apprête à être transféré, il fait face à monsieur de la Motte qu’il connaît. Espérant de la compréhension, Yann s’adresse à lui.


Peine perdue. Mais nous apprenons que Yann a un passé douteux, puisqu’il a déjà été condamné pour piraterie. Ceci dit, nous apprenons aussi qu’il a été gracié par sa Majesté en personne. Un peu plus tard, nous réalisons que Yann est à la tête d’un navire où son équipage le vénère, tout en le sachant coureur de jupons invétéré. Yann est donc un aventurier qui profite de la première occasion pour s’échapper, au nez et à la barbe de monsieur de la Motte. Vexé, celui-ci jure de le reprendre et de le faire pendre ! La fuite éperdue de Yann fait l’essentiel de l’album.


On réalise au passage qui est l’assassin, mais il est encore bien trop tôt pour comprendre ses motivations exactes. Par contre, l’album a le grand mérite de nous faire sentir l’ambiance générale dans et aux alentours de la rade de Brest à cette époque.


L’Épervier en fuite


Yann considère que son meilleur refuge devrait être son bateau La Méduse. Mais il ne sait pas ce qui se trame du côté du port. Ceci dit, il trouve des soutiens, parfois inattendus. Ainsi, Marion, la jeune prostituée brune qui agit dans l’ombre. Sans oublier Cha-Ka, un indien que Yann considère comme son plus fidèle ami, celui sur qui il pourra compter envers et contre tout. Autant dire qu’il en aura bien besoin, car Monseigneur de la Motte ne lui fera aucun cadeau, à lui et à tous ceux qui le soutiennent. Enfin, sans surprise, L’Épervier n’est autre que Yann de Kermeur, un beau jeune homme intrépide, courageux, audacieux et jamais à court de ressources.


Beau travail


Le scénario de ce premier épisode est intéressant, surtout parce qu’il ouvre de nombreuses possibilités. On sent que l’auteur cherche à montrer de quoi il est capable, tout en ayant probablement déjà en tête les prolongements de ce premier album. Ici, il fait le pari d’une histoire tournée vers l’aventure (il y a du mouvement et de nombreux rebondissements), où de nombreux détails intéressants s’accumulent, pour nourrir les albums qui suivront. Au niveau du dessin, c’est du solide d’emblée, avec un soin particulier apporté aux détails. Je pense notamment aux bateaux qui sont superbes. Globalement, les mouvements sont bien rendus et les couleurs agréables. L’organisation des planches, avec 3 ou 4 bandes, une belle diversité des tailles de vignettes et quelques surimpressions pour des gros plans, montrent déjà une belle maîtrise de la part d’un dessinateur dont le succès du présent album lui permettra de laisser libre cours à son inspiration pour les suivants. A noter qu’on est sur un format typique de la BD franco-belge, avec 46 planches où dessins et dialogues s’équilibrent bien.


Influences


Avant la première planche, on trouve une carte de la rade de Brest et environs vers 1740. Au-dessous, l’auteur adresse des remerciements à plusieurs personnes, dont trois peintres : François Boucher, Jean-Siméon Chardin et Joseph Vernet. Pour ce dernier, rien d’étonnant car il doit sa renommée à ses marines. Pour les deux autres, j’aurais tendance à penser que les remerciements du dessinateur valent pour l’ensemble de la série, essentiellement pour les décors et les costumes. Et puisqu’il est question de peinture, sachant que le bateau de Yann est La Méduse on peut s’attendre à ce que son équipage finisse à un moment sur un radeau…


Critique parue initialement sur LeMagduCiné

Electron
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le 14 sept. 2025

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