Le Trou Bleu / Blue Hole par Ninesisters

Début des années 90, le monde est en proie à une fièvre dino-maniaque. Coïncidence ou non, ce phénomène recevra un écho dans l’univers du manga, avec la parution du Trou Bleu de Yukinobu Hoshino, auteur spécialisé dans la SF et le fantastique, ce qui soit dit en passant se ressent bien dans cette œuvre.
Ici, une poignée de scientifiques et de militaires, avec le secours dans un premier temps involontaire d’une pêcheuse, vont découvrir un passage – le Trou Bleu – reliant notre époque à la fin de l’ère Crétacé. Tout au long du récit, le mangaka va alterner les situations, passant de l’horreur sur les premières pages à une grande aventure scientifique, laquelle va rapidement basculer vers la survie, avant de revenir vers un ton résolument SF. L’évolution d’un style à l’autre se fait sans heurt, puisque toujours justifiée par le scénario.

Yukinobu Hoshino est passionné par son sujet premier, à savoir les dinosaures, au point que le scénario semble parfois ne servir que de prétexte à nous les montrer. L’auteur s’est apparemment beaucoup renseigné sur le sujet, afin de garder une cohérence constante entre l’époque de son récit et les espèces présentes ; n’espérez donc pas voir de Dilophosaures, dans la mesure où ceux-ci vivaient au Jurassique, par contre aucun problème pour les Tyrannosaures, les Ankylosaures, les Kronosaures, ou les Parasaurolophus, effectivement typiques du Crétacé supérieur.
Le mangaka possède un trait détaillé et très réaliste, ce qui lui a permis de représenter les dinosaures le plus fidèlement possible.

Étrangement, le Trou Bleu appartient à ces manga qui ne ressemblent pas vraiment à des manga ; le dessin se distingue de la majorité de la production en ne souscrivant pas à certains codes d’habitude très présents, condition apparemment sine qua non pour l’auteur pour obtenir un trait le plus réaliste possible. Il ne s’agit certes pas du seul titre dont aucun protagoniste ne soit japonais, mais hormis l’usage exclusif du noir & blanc, et le sens de lecture (même si Casterman l’a remis en sens occidental), difficile de reconnaitre un manga. Un peu comme Banana Fish.

Ces choix artistiques n’ont heureusement pas d’impact sur la qualité de l’œuvre. Mais celle-ci possède tout-de-même des défauts.
Le scénario peine parfois à passionner, à trop vouloir se focaliser sur les dinosaures. Aussi bien écrit soit-il, il possède quelques éléments discutables, comme son « Plan Trou Bleu », d’un ridicule achevé même s’il permet d’évoquer le thème d’actualité qu’est l’écologie.
Surtout, il est parfois difficile de s’intéresser à l’histoire et aux personnages du Trou Bleu, comme si tout ce qui pouvait s’y produire ne nous concernait pas. Entre le dessin et la recherche documentaire pointue, ce manga parait au premier abord trop parfait, trop carré, sans réelle fantaisie et finalement sans identité propre. Un phénomène qui se retrouve par exemple sur l’anime Seirei no Moribito : objectivement nous avons un quasi sans faute, mais la série ne devient que rarement captivante. C’est beau, parfois très intelligent, mais bien trop impersonnel.

Si nous oublions les quelques idées un peu saugrenues présentes dans ce manga – l’arbre géant, le Plan Trou Bleu, les heureuses coïncidences,… – il s’agit d’un titre réussi, au dessin magnifique et bénéficiant d’un authentique soucis du détail concernant les dinosaures. C’est nette, précis, sans bavure, mais malheureusement pas spécialement accrocheur. Il m’a fallu du temps pour arriver au bout des deux volumes, certes plus épais que la moyenne mais deux volumes quand même.