Une interprétation sympathique qui vaut le coup d'oeil pour les amateurs de l'oeuvre originale

C'est pas mal. Ya plein de défauts, ya plein de qualités. Le dessin vaut vraiment le coup d’œil. En tant que manga pur, sans parler de l’œuvre originale, franchement je trouve que ça rame un peu. En supprimant certains passages, il y a deux/trois trucs qui ne font pas sens. Le roman est lent, le manga est donc lui aussi assez lent. Au final cela donne un manga très psychologique, je dirai un milieu entre un shojo et un josei. On sent bien que l'auteur a tenté de réinjecter un peu d'action de façon assez artificielle, mais il faut dire ce qui est, ça manque tout de même un peu de dynamisme. Toute la construction est apparente, on voit très bien ce qui sort du roman, ce qui a été ajouté, on sent bien le côté un peu artificiel des dialogues. Bref, c'est plus une adaptation, une interprétation, qui se revendique comme telle, qu'une œuvre indépendante.


A l'adaptation, alors, ça donne quoi ?


Ca donne quelque chose de pas mal pensé ! Déjà, c'est une vrai adaptation, qui est venue mangaifiée le tout, montrant parfois un Valmont comique, avec quelques pointes d'humour, des scènes qui sont amplifiées, une simplification des personnages pour mieux faire ressortir l'essentiel, des catchphrases qui viennent dynamiser un peu le tout. Et ça coexiste avec des morceaux du texte original de façon assez surprenante, parfois c'est un peu mal venu, dans d'autres cela fonctionne à merveille. Le gros défaut c'est qu'on voit absolument toute la structure, la façon dont l'auteur a pensé le tout. Autre gros défaut : les français vu par les japonais, c'est toujours un peu comique... (la révolution française qui vient s'incruster là-dedans de façon hyper bancale, on en parle ?)


En seulement deux tomes, il y a tout ou presque ! Mon grand regret de ne pas avoir vu Valmont écrire à Cécile en se servant d'Emilie pour épitre... De même, petit regret de ne pas voir apparaître Prévan. Sur bien des points, c'est extrêmement fidèle, que ce soit dans les dialogues ou les évènements. A commencer par le dessin. A part la mère de Cécile, qui a l'air un peu trop cruche à mes yeux, les personnages semblent correspondre à merveille, en particulier la belle prude, et certaines scènes... On s'y croirait, il y en a quelques unes qui représentent avec exactitude la scène décrite par les personnages dans leurs lettres.


Mais, il y a aussi une grande place à des interprétations de l’œuvre. Ce manga lève toute l'ambiguité qu'il y avait dans le roman. Et en cela, je vous déconseille très fortement de lire le manga avant le roman, car cela pourrait perdre une grande saveur, en guidant votre lecture. Cependant, pour celui qui a déjà lu l'oeuvre originale, c'est assez agréable de voir comment quelqu'un d'autre voit ce tissu de relations, voit ces personnages, va interpreter leur expression au moment où ils écrivaient, va voir leurs sentiments. Je vous mets en spoiler mon petit avis sur celles-ci. Attention, je spoile le tome 2 aussi.


Madame de Merteuil : femme bisexuelle, qui se déguise en homme à un bal masqué, aux cheveux les plus courts de tous les personnages féminins, coiffure d'ailleurs très inhabituelle pour l'époque. Qui embrasse Cécile. Que dire, si ce n'est que je suis subjugué par cette approche ? Elle apparaît en femme fatale, en femme phallique aussi quelque part, mais j'aime la façon dont certaines lignes de l'oeuvre originale viennent guider cette interprétation. Effectivement, quand elle se délecte de Cécile, parle de "faire son éducation", on peut y avoir une métaphore sexuelle, une attirance lesbienne. De même, la femme qui réclame "la guerre", quelle bonne idée de la montrer en homme prête à embrocher Valmont ! Seul bémol pour moi : Je trouve ça un peu triste quand même de montrer que la seule femme qui n'est pas cruche, ne se fait pas avoir, elle est en fait une femme très masculine...
La relation Valmont / Madame de Merteuil : Énormément mis en avant, très mangaifié. Mais cela donne une interprétation qui me semble assez fidèle à l’œuvre. J'aime beaucoup comme les deux personnages apparaissent sur une planche du début comme presque deux jumeaux incestueux, tellement ils se ressemblent. C'est vraiment quelque chose qui ressort de cette lecture je trouve, l'impression d'un véritable amour entre eux, d'une ressemblance si grande qu'elle ne peut que les mener à la guerre.
Tout est la faute de Madame de Merteuil et il faut pardonner Valmont : Un peu tiré par les cheveux aussi, mais pourquoi pas ? Un peu embêté personnellement par le fait de faire porter toute la responsabilité à la femme fatale, mais bon.
Relation la présidente de Tourvel / Valmont : Lol. Il est presque impossible de savoir si Valmont aime vraiment la présidente au final, et à quel point. Là, c'est mis à son paroxysme. Et d'ailleurs il y a un stade où il devient difficile de faire parler l’œuvre et où on passe à pas mal de trucs inventés. Mais bon, c'est intéressant quand même comme approche, cela rend l'oeuvre plus dramatique encore.


La mangaification : Toute personne qui s'interesse aux mangas, même qui voudrait en faire, devrait jeter un oeil à ce qui a été fait là ! C'est presque un cours que cette auteur donne. Car sérieusement, comment mettre en manga un roman épistolaire ? Où les personnages s'écrivent des pâtés et ne sont pas toujours près l'un de l'autre, sans que cela ne tourne au soliloque ? Comment mettre du dynamisme dedans ? Il y a quelques scènes supers intéressantes, comme celle avec Danceny sous le lit et Valmont qui débarque voir Madame de Merteuil. Ca résume plusieurs évènements bien distincts, plusieurs lettres, dans une scène au finale assez grandiose (bien que peu réaliste) : Valmont qui vient convaincre Danceny de garder Cecile et de laisser la marquise + Valmont qui arrive au château et comprend que non seulement madame de Merteuil ne lui avait pas dit qu'elle était rentrée depuis deux jours, mais en plus Danceny le savait, et en plus elle a fait exprès d'avoir Danceny dans les pattes quand elle l'a convoqué + Ses discussions avec la marquise à propos de son "dû". Et hop, tout ça est dit en quelques pages, et en plus c'est bien dit, bien mieux qu'en trois scènes distinctes et longuettes. De même, il est amusant de voir comment elle vient créer des dialogues en mêlant plusieurs lettres, comment elle met en scène certains passages, etc.
Gros bémol de la mangéification : Les noms. Sérieusement, Tristan de Valmont. Tristan ? Qu'est ce qui a pu lui faire penser une seconde que c'était une bonne idée ? Même avec la postface, je ne comprends pas. Le Tristan des romans médiévaux correspond tellement pas à ça, niveau symbolique c'est zéro, ça fait juste "j'ai voulu mettre un nom de personnage français dans une histoire d'amour mythique". Et puis en général, tous les noms sont de trop.
Autre bémol : L'exagération à l'extrême, qui fait parfois des dialogues très très nunuches. Le côté grandiloquent de certains passages se fait trop voir, surtout en y mêlant la jolie plume de Laclos et des dialogues mièvres avec un parlé moderne. Il y a un moment où il faut faire un choix entre les deux, pas mettre les deux à la fois, c'est juste pas possible.

Fictifalcyone
7
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le 27 janv. 2018

Critique lue 312 fois

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