Tintin au pays des albums réussis

Quatrième opus de la série, Les Cigares du Pharaon innove sur tous les plans et fait faire un grand bond en avant au personnage de Tintin, porté cette fois par un Hergé au talent un peu plus aguerri.

Ce Tintin n°4 est le premier à ne pas avoir pour titre une destination : notre reporter se trouve cette fois embarqué dans une histoire de trafic d’opium qui le fait bourlinguer entre l’Afrique et l’Asie. En évitant de se centrer sur un seul pays, Hergé évite du même coup d’écumer des clichés sur ledit pays, et ça, on aime ! Revers de la médaille, la gestion des distances et des déplacements est encore un peu aléatoire.

Cette recherche dans l’intrigue offre un arc scénaristique beaucoup plus abouti que dans les trois premiers tomes, avec notamment des personnages ambigus, ni gentils ni méchants (les Dupondt, dont on salue la première apparition). Il reste quelques facilités dans le scénario (Tintin se fait ENCORE fusiller avec des balles à blanc...), mais rien de comparable avec les erreurs de jeunesse dans Au pays des Soviets.

Seul regret : Tintin épargné parce qu’un cheikh a lu ses BD, ce n’est pas la meilleure idée qu’Hergé ait pu avoir. Sans compter l’anachronisme ajouté dans la réédition...

Mais autre innovation, et de taille ! Tintin n’est plus invincible. Il manque de souffle pour se cacher dans un tonneau d’eau, il s’emmêle les pieds dans une corde quand il veut s’enfuir, ou bien il se trompe et veut sauver une femme alors qu’elle est en plein tournage de cinéma... Bref, Hergé a visiblement compris qu’un peu de réalisme et d’humanité dans toutes ces péripéties, cela ajoutait de la profondeur au héros.

Alors que les albums précédents se refermaient sur une situation totalement éclaircie, Les Cigares du Pharaon introduit une foule de personnages secondaires dont le sort n’est pas fixé à la fin du tome : que deviennent Rastapopoulos, Oliveira da Figueira, Alan ? Qui était l’homme qui tombe de la falaise ? Des mystères qui offrent matière à rebondissements pour Hergé dans les aventures suivantes, mais qui peuvent laisser au lecteur un goût d’inachevé.