Les Gouttes de "Dieu-que-c'est-con !"

Cette bd est à l'apprentissage de l'oenologie ce que Dora l'exploratrice est à l'apprentissage de l'anglais !



TU VAS TE PRENDRE MA GROSSE SUBTILITÉ DANS LA TRONCHE !!



J'ai lu les gouttes de Dieu jusqu'au Tome 6 et je me souviendrai toujours du moment où j'ai lu le premier volume. L'intrigue, la façon de mettre en page, la caractérisation des personnages... oui. Cela m'a évoqué immédiatement quelque chose que je connaissais. Un vin ? Non, autre chose. Au fur et à mesure de la dégustation du volume, j'ai senti cette attaque forte qui vous prend aux tripes, cette odeur reconnaissable entre toutes, cet arrière goût que cela vous laisse. Mon dieu... MAIS C'EST DE LA MERDE !!!


Alors, voilà, les japonais ont décidé de faire un manga sur le vin. A la base, c'est super gentil de leur part, surtout que si c'est pour tomber sur des bds comme « Les fondus du vin » on ne peut QUE gagner niveau qualité. Autant donner tout de suite le seul point positif de ce truc : On apprend des trucs sur le vin. En lisant Les Gouttes de Dieu vous apprendrez pourquoi et comment il faut utiliser une carafe à décanter, ce qu'est le tanin, pourquoi les années font beaucoup de différence entre deux vins, etc... Et c'est instructif.


Hélas, le vin est une boisson subtile : Il faut des années et un palais très entraîné pour y déceler tous les arômes et voir tout ce qu'il contient. Et le manga a décidé d'expliquer cela avec la SUBTILITÉ DU TRENTE-TROIS TONNES DANS UN ENTREPOT DE PORCELAINE !


Soit, je comprend qu'il faille user de métaphores pour expliquer ce qu'on ressent en goûtant tel ou tel vin. Du coup, l'auteur à décidé de passer par des métaphores artistico-lyriques et d'identifier le goût d'un vin par une oeuvre d'art, un tableau, un morceau de musique, un moment de la vie... mais c'est fait avec un faste métaphorique qui donne l'impression que dans ce manga, les viticulteurs ont bourrés leurs bouteilles avec des cachets d'ecstasy !


J'invente rien. Dans le 1er Tome, le héros, adulte, décide de boire le premier verre de vin DE SA VIE. Et au lieu de sentir le goût d'une boisson fermenté à base de raisin, le mec voit LE GROUPE QUEEN ! Avec Freddy Mercury et tout et tout ! Et le barman lui un truc du genre... "Alors, toi aussi tu as vu Queen ? C'est normal, parce que ce vin est jeune, avec une attaque en bouche et un arôme fugace et agité qui n'est pas sans évoquer les morceaux du groupe Queen."


Et là, je me suis facepalmé... d'une force mes amis !!



Chez Agi et Okimoto, nous sommes tous des chiens



Et là, vous allez me dire que c'est juste une métaphore sur la première gorgée de vin, mais non, TOUT CE PUTAIN DE MANGA EST COMME ÇA ! Les mecs font comme si les vins qu'ils goutaient étaient semblable à des putains de tableaux, de morceaux de musiques ou des balades en forêt. Et tout le monde comprend immédiatement. Ce qui m'indique que ça se passe dans un monde parallèle où en plus de carburer à l'acide... :
1) Tout le monde a un palais et un odorat super-développé.
2) Tout le monde s'y connait par coeur en Histoire de l'Art, en musique, en littérature et ils ont visités tous les pays du monde !


Le pire, c'est qu'ils donnent une explication au fait que le héros s'y connaisse si bien en vin sans y avoir gouté : Il a été éduqué pour ! Son père, grand oenologue l'aurait initié à connaitre les différents goûts depuis son plus jeune âge en lui faisant manger des baies et lécher des mines de crayons. Ha, et il lui a fait respirer le bouquet des différents vins. TADAAAAAM !


J'ai déjà léché une mine de crayon quand j'étais gosse et je vous assure : Je sais toujours pas faire la différence entre un Bordeaux et un Côte du Rhône !


Si vous pensez que je vous ai spolié le moment le plus ridicule du manga, vous êtes loin de vos pompes. On trouve, entre autre :


Le clochard qui vit dans un carton dans un square... mais possède des bouteilles de grands crus classés enterré sous terre à côté de sa cabane. Et il en fait goûter quelques verres au héros à l'occasion. Le mec ne fait que boire et dormir mais visiblement il est toujours debout. (La vie réelle à appelé, il n'y a personne qui correspond à ça en stock.)


Vous trouviez le coup de Queen assez con ? Dans le volume 5, le héros retrouve une nana amnésique qui a peint un tableau de paysage qui correspond EXACTEMENT au vin qu'elle avait bu avant son accident. COMME PAR HASARD, c'est exactement le vin que le héros recherchait (parmi les centaines de milliers de crus existant de par le monde quelle coincidence...) Boire de ce vin lui rend la mémoire (évidemment) et le fait d'en respirer le bouquet sort son amant du coma où IL ÉTAIT PLONGÉ DEPUIS PLUS DE 5 ANS !!


Le rival du héros qui décide de manger de la terre issue des différents cépages afin de s'en imprégner et d'avoir le goût des différents vins qui y correspondent. Oui. Le mec MANGE DE LA TERRE et ça l'aide à AVOIR LE GOUT DES VINS !


(Et j'ai pas tout relevé ce que j'ai lu en 6 Tomes... sur un manga qui en compte 44 !)


J'ose pas imaginer le nombre de japonais que ce manga a dû décevoir lorsqu'ils ont enfin achetés leur première bouteille de Bordeaux à 700 000 Yens (à cause de l'importation) et s'apercevoir qu'ils ne goûtaient rien de plus qu'une boisson alcolisé à base de raisin fermenté.


Et qui va donc essayer de MANGER DE LA TERRE pour voir si ça a le même goût !



Une attaque en bouche particulièrement nanarde



J'aurais pu pardonner cette faute de goût (ou m'en amuser) si le manga était un truc délirant à la manière du dessin animé Le Petit Chef mais non... ça se veux ultra-sérieux. En plus, l'intrigue du manga n'est pas particulièrement intéressante à suivre... il s'agit juste de la transposition des codes du Neketsu mais appliqué au monde du vin.


Nous sommes donc dans un monde où tout tourne autour du vin et où le héros est en compétition avec le fils adoptif de son père pour toucher l'héritage. Et pour cela ils doivent découvrir l'identité de13 vins (avec le millésime sinon c'est pas drôle) rien qu'en écoutant une description vague du style "je me suis baladé dans une foret sombre et à sa sortie j'ai vu un lac avec des libellules. Et puis à un moment une petite brise à soufflé sur mon visage. Voilà, démerdez-vous avec ça. Bisous." Et évidemment, s'ils se loupent ça n'est pas parce que "la description est tellement subjective qu'elle peut correspondre à ce qu'on ressent en buvant des centaines de bouteilles de vins" mais bel et bien parce qu'ils se sont loupés sur un détail à la con.


Ainsi, le rival échoue à trouver la première bouteille parce qu'il s'est gouré dans le millésime. C'était une bouteille de Chambolle-Musigny de 2001 qu'il fallait trouver et il en a choisi une de 1999. Le con ! Allez, retourne bouffer de la terre, salaud !


Entre-temps le héros aide des gens ayant des problèmes avec le vin, que ça soit le restaurateur qui veut un vin avec son menu ou le gars qui souhaite des bouteilles pour son magasin de luxe. A chaque fois, ça fini en histoire de challenge du style "si tu trouve pas la bonne bouteille t'es viré" , "si tu trouve pas la bonne bouteille on embauche ta copine de force dans notre entreprise" (Ha oui, j'oubliais, dans le monde des Gouttes de Dieu, le code du travail a sûrement été écrit par un ivrogne.) Personnellement, vu la montée en puissance des challenges, je m'attends à ce que dès le Tome 10 on aura du "si tu trouve pas la bonne bouteille je viole ta copine" ou "si tu trouve pas la bonne bouteille, nous faisons exploser la Terre et mettons ton peuple en esclavage."


Quant aux personnages, ils ne brillent que par une chose : leur manque d'originalité. Le héros est un personnage de héros de manga typique : il est débonnaire, totalement surdoué, culotté et en plus il n'a jamais la gueule de bois. (En six volume je n'ai vu aucun personnage ivre...) Il est aidé par une sommelière kawaï qui a le savoir théorique et qui est-amoureuse-de-lui-mais-ne-le-sait-pas-encore. Gravite autour d'eux des caricatures d'amateurs de vins : les cavistes jumeaux (l'un est pro-grand cru, l'autre pro-petits-vins-pas-cher) le fan de vin italien qui s'exprime avec plus d'interjections italiennes que les frères Mario réunis, la mannequin-oenologue qui craque pour le héros sans y toucher... Oui, dans le monde des Gouttes de Dieu tu peux boire du vin à foison et garder la ligne.


Et évidemment, le rival du héros qui est un riche arrogant toujours sûr de lui et machiavélique. Toujours bien habillé, fin (grossir en buvant du vin, c'est pour les faibles) avec un sourire de suffisance une case sur deux. Et il se plante évidemment face au héros, parce qu'il est persuadé que les vrais bouteilles sont celles avec les étiquettes plus chères tandis qu'il y a des vins avec un goût plus subtil moins cher et produit par un caviste juste-à-côté. (Je résume globalement l'idée mais c'est grosso-modo ce genre de conflits qui va composer 99% du manga...)


Et IL MANGE DE LA TERRE !!!


Bref, le manga se la joue "sérieux et très intelligent" sans jamais prendre conscience qu'il est une énorme caricature prévisible.



Pourquoi je vais continuer à lire cette merde malgré tout :



Je comptais m'arrêter au volume 4 mais je m'aperçois que j'ai lu les deux suivant et que je jetterais sans doute un coup d'oeil aux autres volumes. Pas parce que ça m'intéresse, mais parce que j'apprends quand même des trucs au milieu du bouzin.


Du coup, je bâcle la lecture des "Gouttes de Dieu" pour ne lire que les passages intéressants : les moments d'explications sur les différences entre les vins et leurs caractéristiques (souvent en début d'arc scénaristiques) et les carnets en fin de volume. Et encore, après ceux des premiers tomes qui étaient vraiment instructifs pour un débutant (sur les différences entre Bordeaux et Bourgognes, les particularités du vins, les différents crus,...) ils deviennent très vite ultra-spécialisés, s'attardant sur une commune viticôle en particulier (j'attends de tomber celle sur le Savennières, j'ai grandis dans le coin...)


Mais dans ce cas là, je me demande pourquoi j'achète pas un livre ou un guide sur le vin, ça ferait le même effet. D'autant plus que les bouteilles recommandées dans les premiers volumes s'adaptent au barème des années 2005 et 2006. En dix ans ces vins ont sûrement complètement changés de goût (si j'ai bien compris ce qu'on m'a dit dans la bd.)


Je pense que la différence avec un "guide du vin" c'est que le manga est gratuit à la bibliothèque du Triangle et que ça se lit vite quand je suis aux toilettes. A raison d'un tome emprunté toutes les trois semaines, j'en verrais la fin dans 2 ou 3 ans. Ce qui est positif, c'est que j'aurais peut-être eu le temps d'affiner mon palais au goût du vin entre temps.


sans avoir à MANGER DE LA TERRE POUR CONNAITRE LES DIFFERENTS GOUTS !

le-mad-dog
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le 19 août 2016

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Mad Dog

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