Tirer la chasse d'homme

Quel plaisir de découvrir le village d'origine de Kurapika, mis en scène à travers une histoire d'initiation d'apparence simple mais admirablement troussée. Ce chapitre 0 semble presque être une alternative au chapitre pilote canon de la saga, si Kurapika en était le très possible héros plutôt que Gon. Et d'ailleurs, rappelons que dans l'arc en cours de parution, l'un est éclipsé et l'autre au coeur du sac de nœuds, alors ... (quel autre shonen ose de tels dispositifs ? Jusque preuve du contraire, aucun).

Pas forcément friand de fan service, je dois admettre que mon petit cervalet palpitait à l'idée d'en savoir un peu plus sur les Kuruta. On y apprend quelques règles de fonctionnements autarciques, forts légitimes au fond (qu'on songe au glaçant épilogue sur fond noir, d'un glauque insondable, que Togashi a le goût de tisser sans voyeurisme gore, et d'inscrire dans un champ de ruine moral pour qui saura déchiffrer le message final - les fanas de HxH bien sûr). L'épreuve en tant que telle est simple, mais c'est justement dans son prosaïsme apparent (faire des courses pour le village sans s'énerver) que transparait l'art du contrepied du maestro, qui en désignant -fallacieusement, comme on le comprendra- 3 minables loubards en ennemis de didacticiel à dos de chocobo (!) sonde plutôt l'âme humaine, celle qui peine sous la menace à faire ressurgir la noirceur, mais qu'une remarque innocente, à l'empathie à géométrie variable, suffit à faire sortir de ses gonds.

On notera aussi, un sens de la digression qui amplifie toujours ce qui nous est donné à voir de nos yeux de simples humains (les deux non-Kurata évoqué au cours d'un dialogue, l'épreuve de langue 1 retournée avec malice, l'interrogé devenant l'interrogateur pointant des fautes dans l'énoncé). Et s'avère d'une morale facétieuse (une contre-triche annule la première et valide un examen perdu pourtant - ou pas ?). Le chapitre démarre d'ailleurs par la remise en question d'une règle supposément caduque si 'elle ne peut pas être expliquée à un simple enfant' (le logicien Kurapikia et, à travers lui, Togashi, se révélant une fois de plus subversif au possible : l'autorité n'a de valeur que si elle a de la valeur aux yeux de ceux qui la subissent. Et le graphisme, la mise en page, l'alternance cette fois mesurée entre trait brouillon mais adéquat et cases fournies, est toujours impeccable, implacable.