Préface générale du Maître-Archiviste :

La saga des Cités Obscures est davantage qu'une simple série de BD évoluant au sein d'un univers commun.

Initiée en 1983 par le dessinateur François Schuiten et par le scénariste Benoît Peeters, cette fresque graphique titanesque est l'un des édifices les plus ambitieux de l'histoire de la bande dessinée, auquel il est complexe de trouver un équivalent. Il faut dire que le duo y a trouvé le canevas idéal afin d'expérimenter de nouvelles pistes scénaristiques et graphiques au gré de pérégrinations mêlant steampunk et fantastique.

Imaginez donc un univers, parallèle au nôtre, dont l'architecture urbaine ressemble à un chaos sans nom : certaines cités respirent le classique, là où d'autres baignent dans l'Art Nouveau, avec par ci et là des touches industrielles. Ce vaste chantier babelien, c'est Schuiten qui l'habille de son trait maitrisé et technique, proposant des expérimentations graphiques régulières.

Avec Peeters, ils explorent le paysage bédéesque, réalisent des volumes sous divers formats, en noir et blanc comme en couleurs, et traversent les Cités Obscures au moyen de codes narratifs divers. Quant aux récits en eux-mêmes, ils sont du même acabit que l'architecture : tentaculaires, parfois entre-connectés par d'infimes liens, existant dans des époques que l'on suppose éloignées comme révolues...

La notion d'espace et de temps est, dans les Cités Obscures, une question de point de vue, et c'est souvent chargé d'un symbolisme puissant que le duo franco-belge déclament leur amour pour l'art comme leur haine des structures étatiques dictatoriales. Parfois intimes (Brusel), parfois plus universels (La Tour, La Frontière Invisible), leurs propos englobent toujours une plus vaste réalité.

Des myriades de personnages vous seront dévoilés, des mystères à foison vous seront délivrés, et un monde dont on ne sait si il a un début et une fin vous sera révélé. Voilà la promesse que vous murmureront sans doute les Cités Obscures une fois passée la porte de cet univers sans pareille mesure.

Nous ignorons le monde des Cités Obscures, mais ce monde ne nous ignore pas.

Aujourd’hui, en l'an 747 A.Tour, je m'attarde sur Les Murailles de Samaris, premier segment des Cités Obscures, édité dans un format BD traditionnel en un seul volume.

L'histoire est celle de Franz, qui se retrouve mandaté par la cité de Xhystos pour mener une enquête au cœur de l'étrange ville de Samaris, lieu de disparitions inexpliquées. Mais à peine est-il arrivé au cœur de cet endroit baroque que son univers tout entier est mit en branle...

Samaris aura été de tous temps et de tous temps elle pourra persister, semblable à l'eau qui chaque jour revient.

Pour une première incursion au sein des Cités Obscures, le duo Schuiten/Peeters n'y va pas de main morte et explore, au travers de la cité tentaculaire de Samaris, le principe du simulacre.

Récit court mais palpitant mettant en opposition la froideur Art Nouveau de Xysthos et la chaleur baroque de Samaris, ce premier volet intrigue et fascine tant il est chargé d'une symbolique architecturale étonnante.

À la façon de Franz, on interroge notre rapport à ce qui nous paraît acquis quand on croit connaître une ville qu'on a arpenté toute sa vie. Reste à savoir si la beauté d'une illusion est préférable à une existence de froide et monotone réalité ?

Mais Les Cités Obscures ont encore beaucoup à raconter, et les Murailles de Samaris ne sont qu'un mur à abattre parmi tant d'autres...

Le-Maitre-Archiviste
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le 23 nov. 2023

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