Peyo raciste ?

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c'est une question que posent certains lecteurs des schtroumpfs ( et pas de Johan & Pirlouit, dirait-on ),

surtout à propos de cette première histoire des schtroumpfs ( si on excepte leur création dans La flûte à 6 schtroumpfs, Johan&Pirlouit ).

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Pour examiner la question du racisme éventuel de cette histoire - sans forcément conclure de façon catégorique - il faut divulguer des péripéties, donc, avertissement habituel :

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ATTENTION SPOILERS

si vous n'avez pas lu Les Schtroumpfs Noirs et voulez rester frais et vierge, ne poursuivez pas plus avant.

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l'histoire résumée vite fait :

il y a quelques points faibles dans cette narration :

- la mouche BZZ ne pique qu'un seul schtroumpf,

- le Grand Schtroumpf découvre l'effet de la tubéreuse simplement parce qu'il nourrit la mouche BZZ avec cette fleur-là justement, par pur hasard,

- l'invention en apparence décisive du soufflet à pollen ne sert à rien dans la bataille ( elle n'empèche pas les schtroumpfs noirs de gagner )

- la ruse exceptionnelle du schtroumpf noir qui se peint en bleu - paraissant dépasser ainsi l'espèce d'abrutissement mental de ses semblables - ne sert quasiment à rien, tel que c'est mis en scène il aurait pu mordre le Grand Schtroumpf même s'il était resté noir.

...mais peu importe, dans le feu de l'action on n'est pas trop gêné par tout ça tellement la narration BD de Peyo est efficace.

Et revenons à nos moutons bleus ou noirs :

racisme ?

L'accusation vient de ce que les méchants agressifs-envahisseurs-corrupteurs-remplaceurs sont noirs de peau.

Peyo avait-il une arrière pensée consciente ? ou un fond culturel inconscient ?

On est début années 60, il est assez peu probable qu'il ait consciemment voulu mettre en scène une allusion à des africains.

De nos jours il aurait certainement évité cet écueil en utilisant une autre couleur : vert par exemple , ou violet, rose, gris, jaune (ah, zut, non ), voire rouge pour l'agressivité ( mais on l'aurait taxé d'anticommunisme primaire ? ).

S'il le pouvait, il expliquerait sûrement avoir choisi le noir parce que cette couleur est perçue comme négative; et, ce faisant, il montrerait juste qu'il partage l'arrière-plan culturel occidental qui associe la noirceur au mal, au danger.

( dans la même mouvance BD francobelge "ligne claire", Franquin, dans Le Nid des Marsupilamis, écrivait "les panthères noires sont plus féroces que les autres" et montrait par la suite que le petit marsupilami noir est plus bruyant, plus risque-tout, plus turbulent et plus bagarreur que ses frères jaunes.

Il n'en tirait pas explicitement de conclusions péjoratives, mais on peut se demander si un stéréotype n'était pas à l'œuvre : "individu noir = brutalité, agressivité physique, sauvagerie" - d'autant que, scientifiquement parlant, les panthères noires ne sont absolument pas plus féroces que les autres : pure légende-cliché )

Pour aller plus loin, la structure du motif narratif des Schtroumpfs Noirs mérite d'être examinée :

- on ne peut pas les considérer comme des étrangers, puisque ce sont des habitants du village transformés par accident.

- on n'est absolument pas en contexte africain, tout ça se passe dans du médiéval européen.

- le mécanisme ressemble plutôt à une histoire de zombies ( sans l'élément "mort", mais avec l'élément "morsure contaminante" et l'élément "quasi décérébré", intelligence presque réduite à néant, et la croissance exponentielle du nombre d'infectés; ou, moindrement, à une histoire de vampires: morsure, contagion - mais surtout, on pense à la rage : contagion par la morsure d'un vecteur animal, envie de mordre son semblable... ).

Aucune de ces références n'a de rapport direct avec l'Afrique et les africains.

- la théorie du Grand Remplacement n'existait pas encore, et les africains étaient si rares en France métropolitaine ou en Belgique à l'époque, qu'il n'y avait aucune peur d'invasion, de remplacement. Le racisme ne s'appuyait pas encore sur ce fantasme là.

- en revanche, la moucheBZZ évoque, par son nom, la "mouche Tsé Tsé", et on pense aussi forcément aux moustiques vecteurs de maladies ( paludisme, dengue etc. ) : l'Afrique n'était donc peut-être pas totalement absente de l'esprit de Peyo quand il écrivit cette histoire ?

Comme prévenu, je ne vais pas me prononcer catégoriquement :

1- Peyo a certainement pensé que la couleur noire serait la mieux perçue par le lecteur comme la couleur du mal ou du danger; sans surprise, il avait donc, comme la plupart des occidentaux, une perception négative de cette couleur ( héritage culturel commun ).

2- il est peu probable qu'il ait voulu évoquer des africains, cela aboutirait à une structure absurde: "les gens normaux en se contaminant se transforment en africains" ( sauf si on estime que la morsure contaminante est une métaphore du métissage, mais l'absence de degrés dans la contamination ne semble pas plaider dans ce sens )

3- il avait peut-être l'Afrique en tête mais, en dehors de la moucheBZZ, rien ne l'indique;

4- la référence implicite transparente aux zombies et à la rage ne va pas vraiment dans la direction d'un message raciste ( sauf si on estime que les histoires de zombies sont des métaphores racistes ).

5- on est dans le thème de la corruption ( pas au sens psychologique ni vénal ) d'une mini société close menacée par un phénomène, d'abord limité et accidentel, qui fait tâche d'huile et gagne peu à peu tous les schtroumpfs, risquant d'anéantir leur mode de vie;

La formule "petit village tranquille menacé par un élément perturbateur" se retrouve souvent dans cette série, et elle dit forcément quelque chose de l'arrière-plan mental de l'auteur :

- Pour Peyo, le Mal vient de l'extérieur ou d'un changement de comportement des schtroumpfs, souvent présenté comme une imitation des comportements humains ( schtroumpfissime ). Parfois, plus rarement, il vient des expériences du grand Schtroumpf visant à apporter un élément de progrès ( Cracoucass ).

- Pour Peyo le Bien est défini comme le maintien éternel du mode de vie du village, sans aucun changement, et par l'absence de contacts avec le reste du monde.

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Dans la série des schtroumpfs, il se montre donc plutôt conservateur et xénophobe ( ou allophobe ) ; mais il faut garder à l'esprit que cette série est comique ( avec du second degré, et très souvent une satire des mœurs humaines, comme me le rappelle très justement Liehd ), ce qui ne permet pas d'être catégorique sur les structures mentales et les intentions de l'auteur.

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ma conclusion :

il ne faut pas tout schtroumpfer en noir :)