• Merci, Mr Swift... Mais avant, si vous nous expliquiez exactement...

  • Chut ! Pas si haut !... "Ils" nous écoutent p... peut-être...

  • Qui ça "ils" ? Vos... Vos fumistes invisibles ?

  • Oui, les "spectres de la nuit"... Pour les grossiers sceptiques du village, il ne s'agit que d'une ancienne légende !... "Ils" se sont tenus tranquilles pendant des années... en apparence ! Mais moi je sais qu'"ils" sont là... Je "les" sens... Mes écrits "les" agacent, voyez-vous... Alors "ils" me font des signes... Des signes à moi seul ! P... Pour me narguer !...




Une métamorphose pour l'univers de Ric Hochet



Dans les pages de ce nouvel album de Ric Hochet, l'ordinaire et le surnaturel se mêlent en une danse énigmatique. Le détective journaliste ne se contente pas d'effleurer l'étrange, il s'y plonge corps et âme. Un pas décisif est franchi, et les frontières de la réalité se mettent à trembler, révélant des profondeurs insondables de perplexité et d'incertitude. Jusqu'à présent, nous avions eu l'occasion, au fil des narrations précédentes, de rencontrer de fugaces lueurs d'éléments singuliers, mais jamais n'avions-nous avons été confrontés à une histoire de fantôme aussi incontestable, où l'horreur crue s'érige en un contraste terrifiant, sans la moindre ambiguïté. Des questions lancinantes jaillissent : Qu'est-ce qui est réel et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Où s'arrête la normalité et où commence l'impossible ? Les ombres se font plus profondes, les mystères se multiplient, et chaque indice semble mener à un labyrinthe obscur de secrets inquiétants. Ric Hochet, autrefois sûr de lui, devra naviguer dans cet océan d'incertitude, où chaque réponse amène de nouvelles questions, et où la vérité est une chimère insaisissable. Voilà de quoi il est question avec le douzième tome des aventures de Ric Hochet, "Les Spectres de la nuit".


En introduisant pour la première fois notre journaliste préféré dans un péril intangible, les auteurs André-Paul Duchâteau et Gilbert Gascard, connu sous le pseudonyme de Tibet, tracent un chemin audacieux, semé de doutes quant à son origine, du moins jusqu'à l'éclat des révélations finales. Cette démarche se présente comme un tournant significatif dans l'évolution de leur série emblématique. À travers cette proposition, ils s'écartent résolument de la trame initiale du jeune reporteur, dont les aventures se limitaient autrefois à des enquêtes policières, bien que ponctuées de quelques éléments troublants. Désormais, ils plongent Ric Hochet dans un monde où l'incertitude règne en maître. Le danger se fait insaisissable, insidieux, et ses origines restent soigneusement dissimulées, alimentant une angoisse efficace. Au fil des pages, le lecteur est tenu en haleine, cherchant frénétiquement à percer le mystère tout en se préparant aux révélations ultimes. Cette exploration du territoire de l'indicible confronte Ric Hochet à des défis bien plus sinistres que ce qu'il avait l'habitude d'affronter. L'inquiétude grandit à chaque virage du récit, offrant un aperçu troublant de l'inconnu, tandis que l'horreur rampante se fait sentir de plus en plus intensément.


Un album qui se dévoile comme un vibrant hommage au cliché du fantastique, déployant un contraste saisissant entre Mâlemort, un village montagnard égaré dans les profondeurs des Pyrénées, où le temps semble suspendu, et la sinistre demeure qui domine une crête, une résidence lugubre, peuplée de corbeaux inquiétants et renfermant une multitude d'artifices glauques et macabres. Une symbolique lugubre imprègne le décor, créant une atmosphère sinistre qui laisse présager le pire, orchestrée avec une subtile perversité. Entre les tempêtes de neige glaçantes et oppressantes, les halos ectoplasmiques qui assaillent nos protagonistes, les empreintes de pas surgissant dans la neige sans présence humaine apparente, et l'apparition de croix de spectres comme une signature macabre, l'horreur latente prend forme sous nos yeux. Soudain, l'effroi véritable jaillit, apportant la preuve terrifiante de l'existence du surnaturel et de son pouvoir mortel. Une terreur glaciale s'abat sur nos personnages, déformant leurs visages et blanchissant leurs cheveux, tandis que chaque instant qui passe semble précipiter le malheur, à l'instar d'une croix sanglante surgissant sur le mur de la sinistre demeure de pierre. Le spectre de la mort rôde, prêt à frapper, et le récit nous entraîne dans un tourbillon d'angoisse où la réalité se mêle à l'irréel, sémant l'effroi à chaque tournant.


On découvre également des personnages emblématiques du genre fantastique, à l'image de Bastien, qui puise directement son inspiration dans le célèbre "Igor". Ce dernier est un stéréotype bien connu, celui de l'assistant déformé du savant fou que l'on a pu voir au cinéma dans le film "Frankenstein" (1931), tiré du roman originel de Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne. Dans ce classique du long-métrage, le docteur Frankenstein est aidé par un serviteur bossu et quelque peu simple d'esprit. Cependant, dans notre récit, Bastien n'est pas au service d'un savant fou, mais plutôt d'un romancier délirant, "Léonard Z. Swift", de son nom véritable "Joseph Dupont". Ce romancier se positionne également comme le créateur d'une folie qu'il va peu à peu perdre en main, le voyant se retourner contre lui, tout comme le personnage bien connu de Frankenstein. Un personnage intrigant et angoissant qui se présente comme un funeste devin des catastrophes imminentes, précipitant notre trio emblématique composé du célèbre journaliste "Ric Hochet", du commissaire chevronné de la PJ de Paris "Sigismond Bourdon", et de sa petite-nièce "Nadine", au cœur d'une trame horrifique qui les entraînera dans les abîmes de la démence. Cette proposition fascinante révèlera une facette inédite du trio, car ils seront désormais guidés avant tout par un instinct primal : la terreur. Il est à noter que les personnages secondaires qui étoffent le récit sont tous crédibles, s'insérant au sein d'une petite communauté destinée à succomber à la tyrannie de la terreur. Ils se dressent alors comme des inquisiteurs, vociférant pour l'édification de bûchers et nourrissant la volonté de se rebeller contre le savant dément, comme le veut la tradition des grands classiques du roman fantastique.


Les illustrations de Tibet se distinguent par leur efficacité à jouer astucieusement sur la composition du cadre et des décors, créant une atmosphère horrifique captivante. Chaque vignette est habilement conçue pour susciter un malaise palpable, où le spectateur se trouve heureux dans une série de tableaux inquiétants. Le dessinateur maîtrise l'art du contraste, avec un usage magistral du blanc infini qui évoque à la fois la solitude, la rigueur et la mort. Dès la première vignette, il instaure immédiatement l'ambiance, posant le ton d'une manière saisissante. Cette première scène préfigure parfaitement le spectacle horrifique à venir, tandis qu'une lettre énigmatique et inquiétante, initialement perçue avec une certaine dérision, se révèle finalement être le point de départ névralgique des événements les plus sinistres à venir. En ce qui concerne les traits des personnages, ils sont d'une superbe frissonnante, car ils parviennent à véhiculer avec une précision impressionnante la peur, l'angoisse et même la psychose des protagonistes. Je tiens particulièrement à saluer le remarquable travail accompli sur le personnage de Léonard Z. Swift, où chaque élément de son apparence contribue à créer une atmosphère glaçante. Sa chevelure dégarnie et pendante, ses yeux globuleux, ses sourcils broussailleux et ses joues tombantes s'unissent pour donner naissance à un personnage d'une terrifiante beauté, digne des plus grands héros horrifiques.



CONCLUSION :



"Les Spectres de la Nuit", douzième tome des aventures de Ric Hochet, de André-Paul Duchâteau et de Tibet, se démarque par son audacieuse incursion dans le domaine de l'horreur et du fantastique, élevant ainsi la série à un niveau supérieur d'intrigue et d'émotion. L'exploration des éléments graphiques et narratifs est remarquable, avec un dessin qui parvient à capturer parfaitement l'atmosphère angoissante et un récit qui tient en haleine les lecteurs jusqu'à la dernière page. Un tome mémorable qui repousse les limites de la saga, tout en conservant la qualité narrative et visuelle qui a fait sa renommée.


Une lecture incontournable.




  • Ric !... Vous... Vous n'avez rien ?...

  • Non... ça... ça va... Je...

  • Mais, bonsoir de bonsoir ! Qu'est-ce qui vous est arrivé ? On vous a entraîné de force ici ?

  • Oui...

  • Qui ? Vous avez pu identifier... ?

  • C'est... C'est incroyable ! Un... Un être sans corps ni visage !...

  • Voyons, Ric !...

  • Si je vous assure... Ce sont "eux"... Swift a raison... Il n'y a pas d'autre explication !... "Ils"... "Ils" avaient le contour d'êtres humains... mais rien à l'intérieur... Vide !

  • Mais c'est impossible... ça n'existe peut pas exister !

  • Si commissaire...


B_Jérémy
9
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le 27 sept. 2023

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