Tutti Frutti a braqué Lucien...

Ce recueil d'histoires courtes soulignent certains talents de Margerin, pas forcément apparents dans l'ensemble de l'oeuvre. Réglons leur compte aux affaires de gros sous : trois de ces récits seront repris, tels quels, cinq ans plus tard, dans "Tutti Frutti" :

* "Robert mène l'enquête" (sur les différents types de téléspectateurs) (8 planches).

* "Taxi râleur": Raoul, conducteur de taxi excédé et dangereux... (6 planches).

* "Une Vie de chien" : un chien perdu passe de maître en maître.... (6 planches).

Total de l'arnaque : 20 planches sur 46. Evitez soigneusement d'acheter l'un des deux albums...

Il nous reste quoi ?

* "The Bike Show", une virée de Lucien avec Gillou à une "concentration" de motocyclistes, thème on ne peut plus margerinien. Les détails vécus - trop vécus, parfois - font la saveur de cet itinéraire, qui n'est par ailleurs entaché d'aucune vraie surprise. C'est presque du reportage : la moto surchargée de matos, l'incivisme odieux de Gillou qui file des coups de pompe à un automobiliste (qui transporte Manu et sa famille...), les mouches collées sur le visage, la puanteur des gaz d'échappements, le look carnavalesque des gros costauds qui affichent leurs bandanas, leurs épaules gonflées et leurs canettes de bière...

* "Fête comme chez vous" : Lucien qui voit débarquer chez lui en soirée une foule d'inconnus qui mettent son appartement à feu et à sang, alors qu'il n'avait invité que deux copains. Là aussi, du vécu, avec la progressivité des initiatives sans-gêne et inconscientes des squatters d'un soir; on pille les alcools du Lucien, on utilise sa télé, on concocte des ignominies sur le réchaud de sa cuisine, on baise dans son lit...; les voisins débarquent parce qu'il y a trop de bruit, puis les flics... On s'y croirait, surtout devant le spectacle du cynisme des invités...

* "Vive le foot" : sur les désagréments d'aller jouer au foot avec les copains dans un parc quand on ne sait pas jouer.... Là aussi, le parc en question contient beaucoup de détails loufoques, inhabituels chez Margerin : une vieille qui porte un fagot de bois sur son dos, Manu et Robert courant après un chien, une femme voilée avec sa jarre sur la tête, précédée d'un explorateur portant un bidon de jeep, un chasseur avec son fusil...

On découvre mieux un Margerin fin observateur des travers des jeunes contemporains, et sa propension à délirer se perçoit dans les interstices de ses narrations.