Luna, pas que femme fatale

Chez Spirou et Fantasio, il y avait une règle primordiale. Celle-ci ordonnait que les héros de BDs francophones destinées à un jeune lectorat doivent TOUJOURS rester célibataires.

Et pourtant, Tome et Janry ont enfreint la règle dans Luna Fatale.

En effet, bien que ce ne soit qu'implicitement, cet album parle avant tout de sexualité en montrant nos héros confrontés à la gente féminine.

Tout commence avec des guerres de gangs où des capos, au service de Vito Cortizone, confrontés à la fatale chinoise Soupir-de-Jade les séduisant tous les uns après les autres pour mieux faire tomber l'Empire du Mafieux et faire régner le sien.

Se sentant menacé, Cortizone comprend vite que pour arriver à ses fins, il doit choisir un homme insensible au charme féminin qui pourrait lui permettre de vaincre Soupir-de-Jade sans problème.

Evidemment, son choix se porte vers Spirou, célibataire endurci. Pour arriver à ses fins, il prend Fantasio en otage après que Spirou ait été testé par la fille du Mafieux, Luna, pour voir si le journaliste était à la hauteur de sa réputation et vaincre les ennemis du mafioso.

Ah Luna! Laissons Tchouky et Al en parler

Ce qui définit la Luna Fatale de la BD, c'est d'être la fille d'un Mafioso, ennemi juré de Spirou encore quasi-adolescente, tout juste majeure élevée dans le banditisme donc violente, impulsive, chatouilleuse de la gâchette et manipulatrice mais séduite par la droiture et l'honnêteté de Spirou symbole d'une vie à laquelle elle aspire mais n'a pas accès[...]Elle n'est pas passionnément dévouée à son père. Elle lui obéit parce que c'est son père et le laissera pas tomber mais elle prendrait bien son autonomie.

En effet, autant ne pas le nier Luna Fatale montre le point de vue masculin sur les femmes avec des capos étant des abrutis se faisant pigeonner par la première vile séductrice venue, Fantasio exposant des photographies de femmes nues (ironiquement pour récolter des fonds aidant une oeuvre de charité pour aider des enfants) et se laissant berner par des femmes fatales dangereuses...

Cependant, l'album ne mets pas scène des jolies femmes dans l'unique but de montrer des séductrices dont les belles formes font rêver aussi bien les méchants que les héros.

En effet, Luna ne se limite pas qu'à sa beauté. C'est, avant tout, un personnage ambigu capable d'avoir ses propres pensées et ses sentiments tout en pouvant être une tueuse. Ce qui change de l'habituelle image manichéenne héros pleins de qualités/méchants sans scrupules qu'on retrouve dans l'univers du duo de journalistes. De plus, Spirou lui-même, détestant habituellement les tueurs, ne se montre pas particulièrement hostile à son égard et semble même l'apprécier.

Ah, puisqu'on parle de Spirou. L'album vaut la lecture rien que pour le voir délaissé de sa fameuse tenue rouge pour être maquillé et habillé en capo mais également agir comme tel en se montrant violent, donc prêt à tout, pour sauver Fantasio entre les mains du Mafieux.

Alors oui, comme vous pouvez le constater, cet album semble être majoritairement réussi.

Ceci dit, ça ne l'empêche pas d'avoir quelques hics. Pour commencer, le fait que Cortizone soit l'ennemi principal d'une intrigue pour la troisième fois sent le manque d'inspiration. Cela donne l'impression que les auteurs ne sont plus capables de créer de vrais méchants digne de ce nom Cyanure ayant été jetée aux orties et la tentative de faire revenir Zantafio dans l'univers des deux reporters ayant été un échec dans Spirou à Moscou. De plus, le fait que l'intrigue se passe à nouveau à New York et que Spirou soit contraint d'aider Cortizone à vaincre des ennemis chinois a un petit côté Spirou à New-York 2 faisant que l'histoire fait plus réchauffé que nouveauté malgré l'arrivée du sujet de la sexualité n'ayant pas été abordé avant ce tome.

Autre chose de peu appréciable pour les fans de l'ami de Spirou, Fantasio est tout juste décoratif une fois l'objectif du journaliste roux fixé et n'est présent que pour être le damoiseau en détresse inactif durant tout le récit. Dans Luna Fatale, Spirou est l'unique protagoniste de l'histoire tandis que le rôle de co-héros, ou plutôt co-héroïne, est confié à Luna étant le personnage mis sur un pied d'égalité avec Spirou compétente en tant que personnage à part entière et même parfois plus habile que Spirou pour faire face aux ennemis de Cortizone.

Ah, parlons-en des ennemis. Une fois de plus, les auteurs ont mis des clichés racistes sur les chinois. En effet, à part Soupir-de-Jade étant intelligente (et méchante, ce qui n'est pas anodin), tous les chinois sont stupides et/ou violents tout juste bons à être des clichés de guerriers Kung-Fu.

Ajoutons à ça de la xénophobie avec des italiens non seulement complètement crétins mais ayant aussi des noms ridicules semblant avoir été écrits par des enfants ayant entendu des sons/mots italiens dans des situations hasardeuses.

Face à ceci, une seule réaction

https://www.youtube.com/watch?v=g-bVEc8oZvk

Mais la plus grosse bourde est sans doute la fin bâclée où lorsque le récit arrive presque à terme, on pense "Tout ça pour ça?!". C'est vraiment dommage pour un album aussi bien écrit avec d'aussi bons personnages de se terminer sur une telle note car, en plus de donner une sensation de frustration, on a le sentiment de voir une oeuvre achevée à la va-vite alors que l'album aurait pu être plus abouti dans son sujet ainsi que ses péripéties haletantes dans une course contre la montre où si Spirou n'atteint pas son objectif à un moment précis, Fantasio est fichu.

Néanmoins, Luna Fatale est un excellent album méritant de se lire plus d'une fois car il est à la fois intéressant, sérieux, drôle et fait avec talent.