"Alors, dis... Quelle rédemption leur offres-tu?"

En 1940, dans le numéro 23 du magazine Action Comics, les lecteurs font la rencontre de Lex Luthor, un archétype du savant fou, destiné à être la némésis de l'Homme d'Acier. Comme tous les personnages de comics, Lex évolue avec le temps, trouve des origines, des motivations, et gagne de la profondeur. C'est un Lex Luthor moderne et complexe que Brian Azzarello et Lee Bermejo nous donnent à voir dans la mini-série Lex Luthor: L'Homme d'acier.

Ces deux artistes arrivent à rendre compte des différentes facettes qui composent le personnage de Luthor d'une manière tout à fait surprenante.
Il est dans un premier temps présenté comme un patron sympathique, un philanthrope respecté et respectueux. Lex Luthor est dépeint comme un type qui croit fondamentalement que l'homme est capable d'atteindre les étoiles. Et il se bat pour donner les moyens à l'homme d'y parvenir.
Mais rapidement, les auteurs ajoutent quelques zones d'ombres à ce portrait de l'homme de l'année. Il apparaît finalement comme un homme qui est prêt à employer des méthodes déloyales et même illégales pour obtenir ce qu'il veut. C'est le genre de type qui déclarerait que la fin justifie les moyens. Et pour lui, la fin n'est autre que l'élévation de l'humanité, alors cela fait-il de lui un mec mauvais? Pas sûr.
Mais finalement, le voile se lève sur son crâne chauve et ses beaux discours. Ses regards confiants et ses sourires bienfaisants se teintent d'hypocrisie et de soif de contrôle, jusqu'à ce qu'on comprennent quelle est sa véritable motivation.
Le but de cette histoire et de ce portrait est de nous faire comprendre une chose seulement. Et c'est là que se situe tout l'intérêt et tout le génie de cette histoire: l'important, c'est la façon dont Lex Luthor voit Superman.

Depuis 1938, Superman est étincelant. Un grand boy scout qui sauve des vies et des mondes en souriant, aux côtés de ses amis super-héros. Mais s'il en était tout autrement en vérité? Si Superman n'était pas un sauveur, mais un frein au potentiel de l'Humanité? C'est bien simple en fait: la première fois que Superman apparaît dans ce comics, il est effrayant. Nous voyons le dernier fils de Krypton à travers les yeux de l'homme qui le déteste plus que tout. Un homme qui est prêt à tout sacrifier pour discréditer Superman, pour l'afficher comme un imposteur incapable de se battre pour le bien des hommes.

Dans cette série, Brian Azzarello et Lee Bermejo nous font le portrait d'un homme complexe à travers un dessin franc et une écriture subtile, qui se servent magnifiquement l'un et l'autre. Les révélations progressives sur les motivations, les machinations et la psychologie de ce personnage font que cette histoire regorge de surprises. Le lecteur est partagé entre la sympathie et le dégoût, pour un homme qui pourrait être réellement admirable s'il n'employait pas tant d'efforts à être un ennemi mortel, prêt à sacrifier des vies pour brûler un seul homme. Même pas un homme en fait, car aux yeux de Lex Luthor, Superman vaut moins qu'un homme, puisqu'il empêche l'Humanité d'atteindre les étoiles. Après cette histoire, le lecteur est libre de décider s'il a raison ou tort, et qui des deux est le véritable imposteur.