Mad Love est un one-shot solide, pondu par le tout aussi solide duo formé par Bruce Timm et Paul Dini. On y retrouve donc un style visuel très proche de la série animée du début des années 90, mais avec quelques différences cependant, notamment au niveau des nombreux sous-entendus sexuels, absents de l'épisode adapté du comics dont il est question ici (et non l'inverse contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là). Pour le coup, autant je trouve qu'il y a un strip en trop concernant le passé d'Harley (sur sa manière d'obtenir une meilleure note à son mémoire), ruinant une partie du côté tragique du personnage, autant la violence du Joker envers Harley, qui sera très présente dans l'épisode animé, est davantage marquée ici. Ça peut paraître surprenant dit comme ça, peut-être même paradoxal, mais c'est bel et bien le fait que le Joker soit violent envers Harley qui me le rend plus antipathique qu'il ne l'est déjà, ouvrant un nouveau pan de violence chez lui. J'aurais presque envie de me dire qu'autant je me suis habitué au Joker tueur en série, autant le coup du mari violent un peu moins. Un côté antipathique qui va de pair avec un Joker ridiculisé plus que jamais, surpassé par une Harley qui, pour le coup, aurait très bien pu se débarrasser de Batman, ne s'est jamais retrouvé aussi près d'éliminer la chauve-souris.
One-shot oblige, il ne se passe pas « grand-chose » dans ce comics. Pour le dire autrement, la BD est très claire, et ce, dès le départ (dès la préface de Paul Dini en fait), qu'Harley aura beau subir les pires violences de la part du Joker, il la fera toujours rêver, elle reviendra toujours vers lui… ce qui se produira une nouvelle fois avec ces trois dernières cases.
Je ne peux pas m'empêcher de partager ces deux courtes citations du scénariste :
On a tous connu ça : on a tous choisi le mauvais partenaire avant d'en ressortir blessé mais également plus sage. Et puis, il y a ceux qui, face aux échecs répétés, persistent et signent dans leur vain espoir d'être un jour récompensés par un jackpot d'affection. Et si certains certains me lisent en ce moment, face à cette machine-à-sous sentimentale, arrêtez de suite et quittez le casino : car c'est toujours la banque qui gagne.
Mad Love n'est pas, pour moi, un récit de victime, c'est une mise en garde de ce qui arrive quand on aime quelqu'un trop longtemps de façon si obsessionnelle et si imprudente. Les expériences tragicomiques d'Harley tendent un miroir déformant à tous ceux prêts à se ridiculiser et à se tourmenter pour quelqu'un qui n'en vaut pas la peine.
Lu dans sa version Batman Day Collector 2024, à savoir sa version encrée, on y aperçoit davantage la structure à neuf cases qu'emploi Bruce Timm, mettant en exergue sa maîtrise des ombres, ses aplats de noir. Certes, la version couleur est la version définitive, celle voulue par ses auteurs, la meilleure, reste que c'est toujours un plus d'avoir accès aux versions antérieures et d'y noter quelques changements par ici ou là.
En somme, Mad Love demeure un très bon comics, mais perfectible néanmoins. Le passé d'Harley Quinn aurait mérité plus de profondeur, quelques pages nuancées plutôt que celles présentes dans l'actuel bouquin, expédiées et qui ont malheureusement assez mal vieillies. Solide, mais pas incontournable en somme.