Manuel du puceau
7.3
Manuel du puceau

BD franco-belge de Riad Sattouf (2003)

S’il y a bien un reproche qu’on ne peut pas faire à Riad Sattouf, ce serait l’incohérence de son univers artistique : dès le titre, le Manuel du puceau se place dans le lignée de Retour au collège, des Beaux Gosses ou, avec un regard légèrement différent, des séries Pascal Brutal, la Vie secrète des jeunes et les Cahiers d’Esther. D’ailleurs il y a dans Retour au collège un « club des puceaux », dont le présent manuel pourrait tout à fait constituer le livre de chevet – avec le catalogue de la Redoute, naturellement.
Là où cette bande dessinée se distingue des titres ci-dessus, c’est qu’elle parodie, sous forme de dialogue, les procédés classiques du manuel : tutoiement proche-du-jeune (« Il y a quelques mois à peine, tu jouais aux Lego », p. 3) décliné sous forme de dialogue, schémas explicatifs, passages obligés de toute vie de collégien – boum, voyage en Angleterre, nullité parentale… Ici, naturellement, on ne trouve pas de ces propos tenus pour un âge où rien de ce qui nous préoccupe ne se trouve dans les livres, propos qui se veulent rassurants mais ne sont que lénifiants, du type l’important c’est de s’accepter comme on est ou tout vient à point qui sait attendre.
« Au collège, seuls les beaux sortent ensemble » (p. 10), déclare le narrateur. « Mais il n’y a pas que le physique ? / Et l’intelligence ? / La sensibilité ? », répond le puceau. « Au collège, ça ne sert à rien. De toute façon, tu n’es pas si intelligent et ta sensibilité se limite à dessiner maladroitement des nymphes à demi nues couchées sur des dragons qui ressemblent à des sacs-poubelles ! » Voilà qui s’accorde au réalisme sans ambages des situations évoquées, en écho perpétuel à l’humour sarcastique du propos. Le puceau de Sattouf est laid (chétif, boutonneux), socialement incompétent et au bout du compte mal dans sa peau. Son salut passera par les fantasmes et la masturbation – cf. la dernière planche, « En route pour la vie ! », qui donne un autre sens au mot manuel.
Je ne doute pas que tout (ex-)collégien qui, pendant une récréation ou pendant quatre ans s’est senti mal à l’aise d’être lui même, puisse se retrouver dans ce livre. C’est d’ailleurs une récurrence des bandes dessinées de Sattouf : le balancement permanent entre individuel et universel. Quelle a été l’adolescence de l’auteur ? Je crois que chaque lecteur a la même idée sur la question, mais ce n’est pas l’important. Je serais plutôt curieux de savoir à quel collégien on pourrait faire lire le Manuel du puceau.

Alcofribas
7
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le 4 avr. 2018

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