Lucie Mikaelian a retrouvé à 30 ans le journal intime de ses 14 ans, l’année où elle a perdu sa virginité. Elle en a tiré un podcast et de ce podcast est né une bande-dessinée, sous-titrée « Enquête sur ma découverte de la sexualité ». J’avais bien aimé l’adaptation du podcast « Coming In » et le sujet me paraissait intéressant. Le tout est paru chez Gallimard pour 183 pages de lecture.
Le postulat de départ est présenté dès les premières pages. Lucie retrouve son journal intime d’adolescente alors qu’elle a trente ans. Elle pose alors la question « Comment ce que j’ai vécu à 14 ans a conditionné la femme que je suis devenue ? » Une belle promesse, hélas jamais tenue. Car de la Lucie de trente ans, on ne saura quasiment rien, encore plus sur sa sexualité. Que le journal intime ait aidé Lucie à comprendre ce qu’elle est aujourd’hui, sans doute, mais elle ne nous en livre pas les conclusions…
Le bouquin est construit sur trois axes : l’histoire de la Lucie de 14 ans, les pages de journal intime et l’analyse de toute cela. La partie la plus faible est sans nul doute la dernière. Jamais poussée, cette analyse reste superficielle et fait un travail que le lecteur pourrait aisément faire seul. Alors pourquoi alourdir le tout ? Pourquoi ne pas écrire le récit de Lucie, simplement, et de considérer que sa force suffisait ?
L’ouvrage est dessiné à la façon du journal intime. Il y a beaucoup de textes avec des typos explosives et changeantes. En cela, le travail de la dessinatrice est assez remarquable. Cependant, ce choix se révèle fatigant à la longue et donne beaucoup de lecture, pas toujours passionnante. Le livre montre bien que les pensées d’une fille de 14 ans, ça ne va pas très loin et, surtout, ça tourne en rond. Après avoir lu cinquante fois « je suis amoureuse » ou « j’ai envie de baiser », on n’est pas loin du burn-out. Là aussi, la pertinence de rester très proche du journal intime pour la bande-dessinée interroge. On a l’impression qu’il aurait fallu, soit reconstruire un journal intime qui servirait à comprendre ce qui se passe, soit faire une récit « simple » en y ajoutant des codes du journal intime. En l’état, l’ouvrage est trop lourd dans sa narration, loin de la maîtrise d’une Posy Simmonds qui parvient à mêler différents types de narration dans un ouvrage.
Au niveau du dessin, c’est très dense. Je n’ai pas été séduit particulièrement par le trait de la dessinatrice. La qualité du dessin est très inégale, la faute à la grande pagination et à la grande quantité de cases par planches. Malgré tout, il faut souligner les efforts de variété, les compositions originales et la typographie.
« Mes quatorze ans » n’est pas un livre inintéressant. Si on se restreint à l’histoire de cette ado de 14 ans, cela pourrait faire une bonne bande dessinée. Mais le procédé choisi, trop proche de l’agenda original, et le manque de réelle projection sur le personnage à 30 ans rendent la lecture fatigante. C’est dommage, il y avait sans doute mieux à faire.