Qui vit par l'épée périra par l'épée...sauf Miyamoto Musashi parce que lui il est trop fort!

(Note: 6,5/10) La vie du mythique rônin Miyamoto Musashi - figure hyper-exploitée et ultra-récurrente dans la production fictionnelle japonaise - par un des plus grands maîtres du Chanbara en manga, j'ai nommé Shôtarô Ishinomori (soit l'auteur de l'excellentissime Sabu & Ichi - sans doute l'un de mes manga Top 10 All Time! - et aussi du très bon Kuzuryû dans le même genre). Le mangaka reste cependant plus connu par chez nous j'ai l'impression pour ses shônen d'action et de science-fiction (Cyborg 009, Kamen Rider, etc...) qui ont pourtant à mon humble avis beaucoup moins bien vieilli.


Choix étrange de l'éditeur français: nous sommes accueillis à l'entrée de l'ouvrage par une affreuse couverture "photo-réaliste", absolument pas de la main du maître, à tel point que je suis passé plusieurs fois devant ce manga sans jamais comprendre qui était l'auteur...


Œuvre du tout début des années 1970, période d'intense activité pour Ishinomori (c'est a priori à la même époque qu'il réalise Sabu & Ichi), ce tome nous dépeint donc la vie et les combats du célèbre auteur du "Traité des 5 roues", Miyamoto Musashi, espèce d'ascète de la lame, obsédé par l'art du combat et célèbre pour avoir remporté une foultitude de duels durant sa carrière (au tournant du XVIIe siècle), mais qui fut également un artiste doué (ce que le manga souligne à plusieurs reprises), dont il reste notamment des dessins et autres estampes de très bonne facture.


J'avoue ne pas être un grand fan du personnage, que je ne trouve absolument pas fascinant, et dont les valeurs sont (remobilisées dans le contexte actuel, s'entend bien!) plus que douteuses: Musashi est pour ainsi dire l'incarnation du "bushi" (guerrier gentilhomme), figure qui sera idéalisée (et largement corrompue dans le fond) sous l'ère Edo et qui connaîtra sa déliquescence pendant la période militariste du Japon dans les années 1930-40...(je renvoie notamment sur ces points à l'excellent ouvrage "La mort volontaire au Japon" de Maurice Pinguet de 1984).


Le personnage fascine pourtant toujours autant de toute évidence les Japonais, puisque l'on ne compte plus les adaptions des aventures de notre rônin, y compris récentes. La version de Ishinomori ne fait que quelques centaines de pages, et a donc au moins pour elle de ne pas être aussi indigeste que le "Vagabond" de Inoue (sur une trentaine de tomes...). On apprécie toujours autant le sens du cadrage et de l'action du maître, même si celui-ci n'est pas forcément à son tout meilleur ici. Sans atteindre certains sommets graphiques de Sabu & Ichi, le dessin est tout ce qu'il y a de plus correct (et au-dessus de la production shônen "habituelle" du mangaka, qui s'appliquait manifestement plus pour ses Chanbara, sans aucun doute également destinés à des publics plus âgés). Si le déroulé, assez convenu avec sa succession de duel, ne m'a pas forcément passionné les 4 premiers chapitres, le dernier chapitre "du vide" se révèle beaucoup plus accrocheur avec des aller-retour temporels bienvenus pour dynamiser le récit et une touche plus poétique et mélancolique.


Bref, pour conclure, nous ne sommes pas face à un indispensable, mais cela reste une lecture agréable...pour peu que vous aimiez le Chanbara et le style Ishinomori (que certains lecteurs actuels pourraient repousser comme désuet). L'ensemble manque un peu de profondeur à mon goût (on ne saisit pas trop ce que Ishinomori a, au fond, à nous dire de nouveau à nous, lecteurs, en se saisissant de ce personnage); l'ensemble manque clairement de folie, et reste trop classique / respectueux dans sa structure.
Si vous n'êtes pas encore familier de l’œuvre de l'auteur, je conseille évidemment de se tourner en priorité, si possible, vers les 2 premiers manga cités en introduction, beaucoup plus aboutis.


PS: élément assez drôle et intéressant, on apprend dans la postface de l'ouvrage, que, sur le tard (dans les années 1980), Ishinomori a repris le personnage de Miyamoto Musashi pour un manga comique à destination des enfants (!), soit un traitement à l'opposé de celui proposé ici, beaucoup plus grave, dramatique et sérieux.
PS2: comme toujours avec ces figures narratives hyper-récurrentes et transgénérationnelles, le plus intéressant est, bien plus que la vie et les préceptes de Musashi en eux-mêmes, ce que les auteurs qui se sont successivement penchés sur ses exploits nous disent (ou pas) de leur époque de production à travers ce personnage (renforcement de stéréotypes / lieux communs? remise en cause des versions canoniques?).

Tibulle85
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le 9 janv. 2019

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