Je ne fais à aucune production artistique le reproche d’être violente. En revanche, je peux trouver que la violence nuit à la structure d’une œuvre, qu’elle joue complaisamment sur les attentes malsaines de son public, qu’elle est invraisemblable, facile, inutilement glorifiée ou encore qu’elle sonne creux… Or, Monstrueux est sans doute le plus violent des albums de Walking Dead jusque là : arrachage d’oreille, amputation, décapitations, torture, viols répétés… – la violence y est d’autant plus exacerbée qu’elle s’exerce avant tout sur des vivants. Alors ?
Alors, sa représentation n’est pas injustifiée d’un point de vue narratif : il faut bien montrer à quel point le personnage du Gouverneur est un (in)humain bien différent du criminel tout d’un bloc ou des tueurs par nécessité croisés dans les quatre premiers volumes. (La tâche de continuer à donner au tortionnaire une identité et un fond adéquats à son comportement écherra aux épisodes suivants.) Impossible aussi de trouver que la violence ici est vaine ou factice, car le lecteur y croit d’autant mieux qu’elle délimite, au moins temporairement, trois forces en présence, trois pôles de personnages : celui qui exerce la violence, ceux à qui elle est directement imposée – c’est d’ailleurs le statut de victime de Michonne qui la fait rentrer de plain-pied dans le camp des « gentils » – et ceux qui y échappent parce qu’il sont restés dans ce havre de paix que constitue la prison.
Alors en définitive l’ultra-violence de l’album n’est pas regrettable… (Quant au lecteur que l’ultra-violence malsaine affriole, je doute qu’il trouve dans Monstrueux autre chose qu’une guimauve bien fade.)


Rien à redire non plus sur le scénario, qui imbrique avec réussite l’intrigue psychologique et le récit d’aventures – d’un côté l’incompréhension grandissante entre Lori plus chiante que jamais et Carol progressivement gagnée par la folie, de l’autre les conséquences de la chute de l’hélicoptère –, tout en proposant une belle séquence de nuit blanche, et en ménageant un coup de théâtre qui exploite judicieusement la trouvaille des armures anti-émeute.
Non, le vrai problème de cet album, c’est son extrême platitude graphique : à quelques exceptions près, tout y est montré à hauteur d’homme, privant le lecteur de ce travail sur les cadrages qui donnait leur intérêt aux albums précédents. (Je ne parle pas des dessins clairement ratés, comme la case 3 de la page 54.) Si bien que, paradoxalement, Monstrueux est en définitive aussi peu dynamique que le récit en est alerte.


Critique du volume 4 ici, du 6 .

Alcofribas
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le 20 févr. 2017

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