Ce tome comprend tous les épisodes d'une courte série consacrée à Nick Fury junior. Il suffit au lecteur de savoir qu'il s'agit du fils du Nick Fury originel pour pouvoir apprécier ces récits. Il contient les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2017, écrits par James Robinson, dessinés par ACO, encrés par Hugo Petrus (qui a également apporté son aide pour les dessins de l'épisode 4) avec une mise en couleurs réalisées par Rachelle Rosenberg.


Nick Fury junior est un agent de haut rang au sein de l'organisation secrète de contre-espionnage SHIELD, parfois envoyé réaliser des missions en solo. Première mission : Nick Fury s'introduit comme client dans un casino de la Côte d'Azur. Il doit pénétrer dans les appartements privés d'Auric Goodfellow trésorier d'une organisation criminelle. Deuxième mission : Nick Fury junior a été envoyé sur la Lune, à proximité d'une base secrète de l'organisation clandestine Shogun Reapers, pour récupérer un dispositif technologique permettant d'occasionner des mouvements tectoniques. Troisième mission : Nick Fury embarque à bord d'un train sud-américain, avec pour mission d'empêcher l'assassinat d'un dignitaire voyageant à bord.


Quatrième mission : Nick Fury doit se rendre en Atlantis pour neutraliser un espion d'Hydra, sans attirer l'attention de Namor, et en utilisant une technologie qui lui permet de respirer sous l'eau pendant 55 minutes. Cinquième mission : Nick Fury a bien mérité quelques jours de vacances dans une petite ville tranquille de campagne, éloignée de tout, s'appelant Maple Grove. Sixième mission : Nick Fury junior est envoyé sur le site d'une ancienne mission de son père, au château de Ravenlock. Sur place il prend contact avec Rachel McGregor, une jeune femme aveugle ayant acheté ledit château à l'ancien propriétaire. Il s'est produit un meurtre sur le site.


En 2014, James Robinson rejoint Marvel et écrit 2 séries concomitantes : Fantastic Four et All new Invaders. Puis en 2016, il écrit 2 nouvelles séries : Squadron Supreme & Scarlet Witch. Enfin en 2017, avant de repartir travailler pour DC, il écrit une histoire pour 2 autres séries : celle-ci et Cable: Conquest avec Carlos Pacheco & Yildiray Cinar. Nick Fury junior est un personnage qui est apparu pour la première dans Battle Scars (2012) pour établir dans l'univers partagé Marvel (version Comics) le pendant de Nick Fury interprété par Samuel Jackson dans les films Avengers, lui-même inspiré du Nick Fury de l'univers Ultimate, lui-même basé sur l'apparence de l'acteur Samuel Jackson (sic). En découvrant les pages intérieures, le lecteur est tout de suite frappé par leur richesse picturale, mais aussi par le soin apporté à chaque composition de page. Il comprend que pour l'artiste ACO l'objectif est de rendre hommage à l'inventivité de Jim Steranko, dessinateur ayant marqué les comics pour ses structures pages innovatrices, en particulier celles pour les aventures de Nick Fury dans les épisodes parus entre 1966 et 1968.


La couverture du recueil constitue un signal clair : la silhouette de ce nouveau Nick Fury en rose (choix de couleurs audacieux et non-conformiste pour des comics de superhéros) et l'intérieur de la silhouette rempli par des couvertures dessinées par Steranko. Effectivement, ACO s'en donne à cœur joie pour en mettre plein les mirettes du lecteur, pour lui en donner pour son argent. Chaque épisode s'ouvre avec la même construction : 1 première page en 9 cases de même taille faisant s'alterner 2 prises de vue différentes dans une disposition en damier. Il s'en suit un dessin s'étalant sur les pages 2 & 3 qui sont en vis-à-vis, pour des visions dantesques de l'intérieur d'un casino, d'une base lunaire, d'un hall de gare gigantesque, etc. Les traits sont nets et précis. Les contours sont soulignés par des traits un peu plus gras pour faire ressortir les épaisseurs et les différents plans. Les cases comportent un haut niveau de détails et d'informations visuelles. Le découpage change d'une page à l'autre pour s'adapter à l'action, pour l'accompagner avec la forme des cases et leur disposition les unes par rapport aux autres.


Aco ne dédaigne pas de faire poser les personnages de temps à autre, que ce soit un dessin pleine page montrant Nick Fury avançant vers le lecteur, comme allant à sa rencontre dans le casino, Frankie Noble debout sur un rocher au milieu de la mer démontée, écartant les bras en tenant une arme à feu à chaque main, faisant face à la voiture volante de Fury qui arrive droit sur elle, Melodïa Dias se détournant de Fury et avançant avec sa valise à la main dans un ensemble strict et serré, une aveugle se dirigeant vers Fury avec une posture vulnérable, etc. Le lecteur voit bien que le dessinateur se fait plaisir avec un sens aigu du spectacle, sans se prendre en sérieux, mais en prenant très au sérieux le rendu final. Du début jusqu'à la fin, le lecteur se régale du spectacle visuel, de l'inventivité, et de la forme de décontraction de cette narration. ACO n'essaye pas de faire croire à la plausibilité de ce qu'il montre, par contre il est intransigeant quant à la logique de l'enchaînement des mouvements et des déplacements, et sur le rythme et l'entrain. À chaque page, le lecteur a doit à un festival de trouvailles. Alors que Nick Fury vient de pénétrer dans la salle principale du casino, il réfléchit déjà à la manière de détourner l'attention du personnel de sécurité. Le lecteur découvre un dessin en fond s'étalant sur la double page, avec 25 cases rondes, comme autant de bulles reliées aux gadgets technologiques utilisés par Fury. Dans l'épisode 2, il tombe en arrêt devant une composition à l'échelle des 2 pages en vis-à-vis : les cases rectangulaires ayant été déformées en losange comme si elles étaient attirées par une force d'attraction émanant du personnage central. Dans l'épisode 5, les différents personnages semblent avoir été collés sur une double page, comme autant de séquences s'enchaînant.


La sensation d'hommage est renforcée par l'emploi de couleurs acidulées, donnant une impression de contexte pop des années 1960. ACO reprend à quelques reprises des compositions de Jim Steranko, tout en les intégrant dans la narration visuelle. Il organise les scènes d'action avec le même sens du spectaculaire que pour les autres. À l'opposé de cases juxtaposées sans grand soin du déroulement, il s'attache à la cohérence des déplacements des personnages, à leurs interactions avec les décors, pour des séquences bluffantes. En lieu et place d'une succession de cases à la mise en scène convenue, le lecteur profite d'un spectacle total, aux antipodes d'une production industrielle insipide, le plaçant en plein cœur de l'action. Bien évidemment, James Robinson a conçu des scénarios sur mesure pour qu'ACO puisse se lâcher. Il raconte une mission par épisode, avec un personnage qui apparaît dans un épisode sur deux, Frankie Noble. L'action prime sur tout, et les personnages se limitent à de simples dispositifs narratifs, sans beaucoup de caractère. Pour plus de fluidité, le scénariste fait dialoguer Nick Fury, avec une voix désincarnée (dans son oreillette) qui lui donne des informations sur sa mission ou des conseils.


Nick Fury lui-même est cantonné au rôle d'héros d'action, calme en toute circonstance et très professionnel. Il dispose de gadgets technologiques comme un James Bond bien équipé, avec une technologie d'anticipation plus évoluée, mais sans basculer dans la science-fiction. Il dispose d'une classe folle, avec de beaux costumes. Il ne fait aucun doute que ses adversaires sont ennemis de la démocratie, généralement affiliés à l'organisation clandestine Hydra, à l'idéologie fasciste. Nick Fury est à a fois un agent opérant au grand jour, mais aussi un agent infiltré en toute discrétion. Sur ce dernier point, James Robinson en fait de trop, car il est inconcevable que Fury ne se fasse pas repérer à des kilomètres à la ronde avec son bandeau si caractéristique. En termes d'intrigues, les missions tiennent la route : linéaires de manière à ne pas se mettre en travers des dessins, avec de l'action à gogo, piochant dans l'univers partagé Marvel au gré de l'inspiration du scénariste, sans nécessité de connaissances particulières de cet univers. Il possible de lire ces épisodes sans rien connaître de l'univers Marvel au préalable et de tout comprendre. Le lecteur acclimaté à l'univers Marvel sourit en voyant Namor, ou en se remémorant les aventures originales de Nick Fury, écrites par Jim Steranko.


Ce tome se lit d'une traite, propulsant le lecteur dans 6 missions à fond la caisse, de l'espionnage à base d'action. James Robinson a imaginé des missions classiques et linéaires, avec des moments spectaculaires, conçus sur mesure pour l'artiste. ACO s'investit à fond dans chaque page pour un spectacle de tous les instants, un bel hommage au travail de Jim Steranko, sans tomber dans le plagiat ou le passéisme. Le lecteur est sous le charme de ces aventures grand spectacle, sans être complètement dupe d'une forme de vacuité.

Presence
8
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Créée

le 7 mai 2020

Critique lue 39 fois

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