Avec Nigredo, l’œuvre au noir, premier tome des Chevaliers d’Héliopolis, Alejandro Jodorowsky nous plonge dans une épopée alchimique où les symboles ésotériques côtoient l’extravagance narrative, le tout sublimé par les pinceaux précis de Jérémy Petiqueux. Mais si la couverture promet une révélation philosophique et mystique, le contenu vacille parfois entre éclat visuel et brouillard narratif.


L’histoire démarre sur des bases intrigantes : un ordre secret d’alchimistes immortels, des épreuves initiatiques, et un protagoniste au passé trouble. Le tout baigne dans une ambiance gothique et mystérieuse, où chaque dialogue semble murmuré par un oracle un brin dramatique. Mais rapidement, le récit se perd dans une surenchère symbolique et une narration qui sacrifie souvent la clarté à l’effet.


Jodorowsky, fidèle à lui-même, parsème le récit de références ésotériques et philosophiques, mais sans toujours les intégrer harmonieusement à l’intrigue. Les personnages, bien que charismatiques, peinent à transcender leur rôle d’archétypes. Notre héros, en particulier, semble être davantage un véhicule pour les idées de l’auteur qu’un être de chair et de sang.


Graphiquement, Jérémy Petiqueux fait un travail impressionnant. Les décors grandioses, les costumes riches en détails, et les couleurs sombres et intenses créent une atmosphère envoûtante. Chaque planche est un tableau, et l’esthétique gothique-alchimique est parfaitement maîtrisée. Cependant, cette perfection visuelle contraste avec la narration, qui peine à donner corps et rythme au récit.


Le principal défaut de Nigredo réside dans son approche élitiste. L’histoire semble demander au lecteur d’arriver armé d’un manuel d’alchimie et d’une patience infinie pour démêler les symboles et les dialogues cryptiques. Si cette complexité séduira les amateurs de mysticisme, elle risque d’aliéner ceux qui recherchent une aventure fluide et accessible.


En revanche, l’univers a du potentiel. Les Chevaliers d’Héliopolis, avec leur aura de mystère et leurs motivations énigmatiques, intriguent suffisamment pour donner envie de découvrir la suite. Mais ce premier tome laisse un goût d’inachevé, comme un grand cru encore trop jeune pour être pleinement savouré.


En résumé, Nigredo, l’œuvre au noir est un mélange séduisant d’esthétique et d’ésotérisme, mais qui manque parfois de liant narratif. Jodorowsky et Petiqueux livrent une œuvre ambitieuse, mais qui aurait gagné à se délester d’un peu de symbolisme pour offrir plus de substance. Une quête alchimique visuellement somptueuse, mais narrativement inégale, où la magie reste encore en gestation.

CinephageAiguise
6

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le 13 janv. 2025

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