Quoi sa gueule ? Qu'est ce qu'elle a sa gueule ?

La parution de No Guns Life aux éditions Kana, permet à une nouvelle série prépubliée dans le magazine Ultra Jump (Ad Astra, Levius Est, Biomega, Bastard!!...) d'être disponible en France ! Doit-on s'en réjouir ? Les lignes qui suivent s'efforcent de répondre à cette question.


Sans doute sur Terre, sans doute dans le futur (1)


Le cadre temporel et géographique du manga n’est pas détaillé. Nous sommes plongés dans un environnement urbain, après la « Grande Guerre ». Cette dernière a permis à une multinationale (Berühren) de devenir toute puissante et d'avoir la main mise sur ce qui se passe ici-bas. Elle a ainsi développé des membres mécaniques dont les humains peuvent se doter pour remplacer leurs membres perdus. On les appelle alors des Extends. Cette technologie suscite des oppositions, différents trafics ; la mafia n'est pas loin... En somme il y a tout ce qu'il faut pour vivre des moments animés.


Comment maintenir un peu d'ordre ? La réponse passe par Jûzô. Il est un Extend, enfin un Over-Extend dont le corps tout entier a été modifié, la modification la plus frappante concernant sa tête, remplacée par un revolver. Il travaille comme Processeur, c’est-à-dire qu’il règle les problèmes liés aux Extends et d’autres trucs à l’occasion afin d’avoir de quoi payer son loyer (un exemple à suivre pour Gintoki ?).


À la recherche de la mémoire perdue


Jûzô fume. Beaucoup. Il n’aime pas l’humidité, les enfants et souhaite que personne ne touche ni ne presse la détente située derrière sa tête. La détente ou le symbole d’une confiance en l’autre que Jûzô semble avoir perdu. Il travaille comme il vit : seul. Il n’a pas de famille. Surtout, Jûzô ne sait pas à quoi ressemblait sa vie avant qu’on ne le dote de toutes ces extensions, à l’instar d’une certaine Lady M. Cette perte de la mémoire est un premier point commun avec un jeune garçon qui va croiser sa route : Tetsurô.


En compagnie de Mary, la mécanicienne un brin taquine et non-fumeuse – qui apporte une touche d’humour bienvenue dans cet univers –, Tetsurô fait partie des rares personnes gravitant autour de Jûzô. Un trio amusant à observer, qui donne l’impression d’une famille, liée par les extensions mécaniques.


Rouages récalcitrants


Dans un tel environnement, une question émerge : les Extends sont-ils encore humains ? Cette interrogation traverse plusieurs personnages et se retrouve – second point commun – chez Jûzô et Tetsurô à travers leur volonté de ne pas être réduit au rang d’objet mais de s’affirmer comme sujet.


Leur affirmation vient en contrepoint de la logique de Berühren et sa vision mécaniste où chacun n’est qu’un « rouage » bon à servir le monstre qu’est cette compagnie. Tout est subordonné à son bon fonctionnement. Pour un peu on opposerait au discours que l’on lit cette citation d’Alfred de Vigny (Journal d’un poète) : « Tous les utopistes, sans exception, ont eu la vue trop basse et ont manqué d’esprit de prévision. Après être arrivés à construire bien péniblement leur triste société d’utopie, de république, de communauté, et leur paradis terrestre organisé comme une mécanique dont chacun est un ressort, s’ils avaient fait un second tour d’imagination, ils auraient vu qu’en retranchant le désir et la lutte, il n’y a plus qu’ennui dans la vie. »


Au bonheur des lecteurs


Avec un trait précis qui sait s’énerver lorsque l’action l’exige, Tasuku Karasuma nous propose une histoire solidement agencée, avec quelques belles planches sur son héros processeur. Si son absence de visage ne le gêne nullement pour fumer et boire un café, le lecteur s’amuse lorsqu’il s’agit de concevoir ses sentiments. Si le corps permet de saisir l’état d’esprit d’une personne, le visage est un outil privilégié via le regard, le froncement des sourcils, la bouche…


Mais la série ne nous laisse pas démunis. Bien au contraire nous pouvons imaginer à notre guise la tête que ferait Jûzô dans telle ou telle situation grâce aux propos tenus (rôle des mots et de l'adaptation graphique) et aux choix opérés par Tasuku Karasuma concernant le rendu du personnage. Jûzô est un drôle de spécimen, et ce n’est pas une question de physique.


Conclusion


La parution du premier volume de No Guns Life nous propose une première histoire qui trouve sa conclusion tout en semant sur son chemin les graines nécessaires à l’éclosion de la suite du récit.


Avec ses rues où l’on fait de mauvaises rencontres, ses affaires louches, ses bonnes sœurs assassines et ses enfants perdus, la série s’offre un début réussi et plus que prometteur qui donne envie de revoir nos personnages mettre les pieds là où ils ne devraient pas pour secouer Berühren et confirmer un peu plus encore qu’ils sont aux commandes de leur vie.


Version longue et illustrée disponible par ici.


(1) Oui c'est une déformation d'un propos célèbre...

Anvil
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le 8 nov. 2016

Critique lue 255 fois

Anvil

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