Un manga absolument prodigieux qui, en s'inscrivant dans la continuité d'Astro Boy et en admiration pour le travail de Tezuka atteint son but : l'envie de faire découvrir le plus grand mangaka à une génération comme la mienne qui ne l'a pas connu.


On retrouve les ingrédients essentiels à une bonne histoire d'Urazawa : une grande conspiration, les craintes eschatologiques et un sens subtil de l'accalmie, de l'émotion. Même si tous les éléments de l'intrigue sont difficiles à saisir, la brièveté de l'histoire permet de regarder comme d'un bref coup d'oeil tout le talent pour Urazawa à fasciner et à émouvoir tout humain, ou tout robot, sur les questions fondamentales qui sont l'acte de naissance de notre siècle: comment notre fleur peut-elle pousser sur le terreau de la haine ?


J'ai été parfois presque ému aux larmes devant des passages extraordinaires que je tairai ici pour ne spoiler personne. En plus de ce questionnement se retrouvent également les limites infinies de l'intelligence artificielle et des problématiques qu'elle soulève: qu'est-ce que la vie ? Ne pourrait-elle pas, poussée à son paroxysme, constituer un être suprême? Comment la froideur de la machine peut-elle surpasser le brûlant coeur de l"homme ? Qu'est-ce qu'une émotion, sinon un influx nerveux qui passe par notre système biologique ? En quoi cet influx est-il moins signifiant s'il se produit dans une machine ?


Pluto va jusqu'à introduire la thématique du double (chère à Urazawa) au service d'une réécriture du lien entre la créature et le créateur (jusqu'à ce que la créature se crée elle même), qui rappelle les conjectures les plus dingues que l'on peut avoir sur la profondeur d'un personnage comme le Christ. Dépassant la condition humaine, qu'est-ce qui pourrait caractériser sa condition d'homme divin ? Est-ce pure folie que de se dire fils de Dieu ? Élection divine ? Toujours est-il que la thématique de la résurrection, fascinante, est ici abordée à plusieurs reprises : que deviendrait une machine qui pourrait fonctionner sans carte mémoire, ou qui renaîtrait en utilisant celle d'un autre ?
Évidemment, une lecture de la culture occidentale toute nippone et pleine de personnalité, avec ses propres traumatismes et obsessions récurrents (la catastrophe nucléaire notamment, que l'on retrouve dans le nom de certains personnages comme "Goji")


Je lirai et relirai ce manga dans ma vie, pour déceler toute la substance de ce que je ne peux que balbutier ici. Urazawa, par son admiration pour Tezuka, nous pousse à réaffirmer notre admiration pour lui, dans la manière avec laquelle en réécrivant une autre oeuvre, il parvient également à réécrire la sienne.

Jean-Go
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le 15 févr. 2022

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Jean-Mallgoth

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