Pulp
7.7
Pulp

Comics de Ed Brubaker et Sean Phillips (2020)

Ed Brubaker et Sean Phillips sont de véritables cadors de la bande-dessinée anglophone : coutumiers des prix Eisner, ce qui n’est aucunement une bagatelle, la lecture de leur dernier-né Pulp est des plus enthousiasmantes, ce dernier s’érigeant en claque bien sentie… ne reste donc plus qu’à découvrir leurs précédentes collaborations, fruits d’une œuvre commune ô combien alléchante.


Mais trêve de parlottes, le temps presse pour Max Winters : vieux écrivain de Pulps dans le New-York des années 30, son quotidien se fait de plus en plus sombre sous la menace d’un éditeur peu scrupuleux, d’ambassadeurs nazillons d’une époque trouble et… d’un cœur flanchant de plus en plus. Bien déterminé à laisser un héritage décent à sa compagne, l’homme va se lancer dans une dangereuse entreprise pour sauver ce qui peut encore l’être.


Plusieurs choses frappent dans Pulp, par-delà l’hommage évident au genre qu’il affiche ostensiblement jusque dans son titre. De prime abord, l’effet le plus marquant est sa boucle exécutée d’une main de maître : car des premiers mots de Max, à mi-chemin entre l’introspection agonisante et la confession aux lecteurs, jusqu’au dénouement joignant les deux bouts, force est de constater que la puissance et efficacité du récit nous aura fait oublier l’évidence d’une telle « annonce ».


Ainsi, au milieu de tout cela, l’alchimie des thèmes et leurs déroulés respectifs s’entremêlent avec maestria : ancien cow-boy puisant dans sa propre histoire pour ses écrits, le personnage de Max souligne des enjeux à la fois passés, présents et futurs. Assujetti à la vilénie de sa maison d’édition et d’une concurrence insurmontable, sa situation actuelle n’est finalement pas si éloignée du déclin d’une ère aujourd’hui révolue, elle qu’il se plaît à conter et, peut-être, ressasser dans les aventures de son alter-ego « Red River Kid ».


Il y a aussi ses desseins disons « pragmatiques », visant à assurer l’avenir de son dernier lien avec un monde qu’il ne reconnaît plus, toutefois conviendrait-il mieux de parler de « sens » : car tandis que sa carrière de hors-la-loi refait surface, que son dernier acte liera justice et vengeance et que le contexte historique sera savamment utilisé, côtoyer de telle façon la mort constituera pour Max un ironique sursaut de vie.


Le propos de Pulp est sombre, désabusé, mais il demeure dramatiquement beau. Un constat probablement attenant au coup de crayon incroyable de Sean Phillips, lui qui confère à cette intrigue presque anachronique une empreinte viscérale. Une telle prouesse en une petite soixantaine de page, n’appelant ni préquelle ni séquelle d’aucune sorte, cela force le respect. Rideau.

NiERONiMO
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 21 juil. 2021

Critique lue 377 fois

4 j'aime

NiERONiMO

Écrit par

Critique lue 377 fois

4

D'autres avis sur Pulp

Pulp
NiERONiMO
9

Agonie pulpeuse

Ed Brubaker et Sean Phillips sont de véritables cadors de la bande-dessinée anglophone : coutumiers des prix Eisner, ce qui n’est aucunement une bagatelle, la lecture de leur dernier-né Pulp est des...

le 21 juil. 2021

4 j'aime

Pulp
Kab
6

Critique de Pulp par Kab

Max Winter est un vieil auteur de Pulp un peu aigri et cardiaque. Mais Max cache un secret, il ne s'est pas toujours appelé ainsi et sa jeunesse fut… tumultueuse. Entre polar noir et Western, ce...

Par

le 26 mai 2021

2 j'aime

Pulp
Ouaicestpasfaux
9

Concis, percutant. Que du bonheur !

Dans les années 30 aux États-Unis, un ancien bandit de grand chemin peine à gagner sa vie en écrivant des nouvelles d'aventure s'inspirant de ses faits d'armes passés. Sa rencontre avec une ancienne...

le 23 mai 2021

2 j'aime

Du même critique

The Big Lebowski
NiERONiMO
5

Ce n'est clairement pas le chef d'oeuvre annoncé...

Voilà un film qui m’aura longuement tenté, pour finalement me laisser perplexe au possible ; beaucoup le décrivent comme cultissime, et je pense que l’on peut leur donner raison. Reste que je ne...

le 16 déc. 2014

33 j'aime

Le Visiteur du futur
NiERONiMO
7

Passé et futur toujours en lice

Un peu comme Kaamelott avant lui, le portage du Visiteur du futur sur grand écran se frottait à l’éternel challenge des aficionados pleins d’attente : et, de l’autre côté de l’échiquier, les...

le 22 août 2022

29 j'aime

Snatch - Tu braques ou tu raques
NiERONiMO
9

Jubilatoire...

Titre référence de Guy Ritchie, qui signa là un film culte, Snatch est un thriller au ton profondément humoristique ; le mélange d’humour noir à un scénario malin et bien mené convainc grandement,...

le 15 déc. 2014

18 j'aime

3