Ça m’emmerderait presque de ne m’en rendre compte que maintenant mais oui – ça me parait désormais assez évident – ceci n’est pas une BD.


Ça m’emmerde d’avoir à dire ça au moment de ce tome 7 car – clairement – en comparaison de ses prédécesseurs, cet album hausse quelque-peu le niveau.
Moi qui me plaignais dans le tome 6 qu’on avait laissé en plan toute l’intrigue posée en pointillé dans les tomes 4 et 5, voilà que ce tome 7 récupère tous ces fils laissés en plan et qu’il entend redonner du sens et de la cohérence à tout ça.


C’est d’ailleurs en cela que je trouve l’écriture de ce septième album plutôt habile, car elle prend la peine de travailler sur tout ce qui constitue les faiblesses de la saga.
Un seul lieu est installé ici. On ne se perd pas dans une vaste dispersion. On prend la peine de d’explorer et de disséquer les singularités d’un seul endroit.
On y retrouve une Nävis qui se dénude certes un peu mais sans se dépoiler intégralement ; une Nävis qui fait d'ailleurs sa Rambo écervelée mais sans se la ramener tout le temps pour rien dire.
De même, les quelques personnages aliens présents dans cet album sont quant-à-eux davantage créatifs visuellement et surtout disposant d’attributs qui font qu’ils ne sont pas que de simples humains déguisés.
A noter d’ailleurs qu’ils sont des personnages mieux amenés. On les présente vite mais efficacement. On prend la peine de les caractériser et de leur apporter un peu de background afin qu’on puisse avoir une illusion d’épaisseur les concernant.


Et puis surtout, globalement, on se retrouve aussi avec une intrigue mieux orchestrée. Les retournements de situations sont bien disséminés à tous les points de l’intrigue, ainsi que les révélations.
L’intrigue parvient même à surprendre agréablement dans ce qu’elle nous délivre.


Caser là – au milieu de tout le reste – quelques informations supplémentaires sur le passé de Nävis, c’était inattendu mais bienvenu. Surtout qu’on nous aguiche avec cette idée de bandes blanches qui met en appétit sur ce qu’elles cachent vraiment par rapport à ce « type » d’humains particulièrement « agressifs ».
C’est bien pensé parce que ça nous amène à nous projeter et à nous questionner sur ce que ça pourrait révéler pour la suite. Et personnellement c’est justement ce que j’attends avant tout d’une fable de science-fiction / space-opera.)


Bref, globalement, d’un point de vue narratif on se rapproche des bons standards posés par le tome 3… Sans les atteindre malgré tout (…et malheureusement).


Mais bon…
…Comme je le disais plus haut. C’est presque dommage de constater ces efforts à ce tome car en parallèle, cet album est sûrement celui qui m’a blasé le plus dans sa forme plastique. (Du moins jusqu’à présent. Je ne sais toujours pas de quoi l’avenir de « Sillage » sera fait.)
Et quand je dis ça je ne parle pas forcément de la qualité des dessins qui reste selon moi constante (avec les mêmes forces et les mêmes faiblesses). Non moi ce qui me dérange vraiment c’est la composition narrative des planches.
Là – clairement – on n’a pas affaire à une narration de BD.
On a affaire à du storyboarding de film.


La première « scène d’action » de ce tome est assez criante.
La manière de décomposer les combats, les mouvements, les déplacements : c’est clairement du storyboarding.
Et moi je trouve que ça ne marche pas.
Ça ne marche pas parce qu’on n’est pas au cinéma ! Tout simplement !
Une BD c’est un enchainement de cases. De vignettes. Voire de peintures.
C’est une narration qui enchaine des toiles dans lesquelles le regard navigue et des séquences où chaque image dispose d’une dynamique qui lui est à la fois propre mais qui se lit également au regard d’un ensemble plus vaste.
J’ai d’ailleurs eu le malheur de me relire du Rosinski avant de me faire ce tome 7 et la comparaison fut assez violente (et pourtant je ne juge pas que Rosinski soit forcément le meilleur dans cet exercice.)
Enchainer ces cases qui sont autant de vignettes de storyboard ça n’a clairement pas le même effet.
On voit juste des indications données sur des instants figés afin qu’on puisse ensuite se reconstituer le film qui ça pourrait produire.
Mais les images en elles-mêmes n’ont pas d’intérêt en elles-mêmes, à de rares exceptions près…


(Les plans de « découpes » bien nettes de certains aliens, ça peut distraire l’œil, j’en conviens.)


...
Et le problème c’est que toute cette BD est pensée comme ça.
Parfois ça reste anodin et juste plat. Mais des fois ça donne lieu à des artifices vraiment vaseux qui rappellent toutes les limites de la démarche artistique de l’ouvrage.


Moi je pense notamment à cet enchainement de deux images similaires où Buchet décide sur l’une de flouter l’arrière-plan et sur l’autre de flouter le premier plan.
Cet enchainement-là, c’est le truc le plus crade que j’ai dû voir dans cette saga.
D’abord c’est crade parce que les deux images en elles-mêmes sont assez grossières et colorisées sans goût.
Mais c’est crade aussi parce qu’on voit bien le copier-coller qui fait qu’en cinq secondes tu te retrouves avec deux images alors que l’auteur n’en as dessinée qu’une.
Et puis enfin c’est crade parce que… Bah parce que c’est du langage de cinéma ça !
Oui OK je visualise très bien ce que ça donnerait sur un grand écran. Mais ça sert à quoi dans une BD ce genre de machin ? Une BD ça ne se lit jamais en termes de changement de focale ! On veut porter l’attention sur quelque-chose ou éduquer le regard autrement. Par exemple, dans le tome 5 la double page présentant l’exposition d’humains, ça c’était malin ! Ça c’était approprié ! Ça c’était plaisant à lire et à voir !
…Mais cette connerie de focus sur trois saloperies mal dessinées qui flottent dans le zéro-g, c’est inopérant au possible ! Mais au secours !


...


Malgré tout, l’un dans l’autre, ça peut passer, j’en conviens.
Lire ce tome n’a pas été désagréable : ce serait mentir que de dire l’inverse.
Mais bon, d’un autre côté, il y a tellement de choix en termes de fond et de forme qui font tiquer qu’on n’a pas forcément envie de s’attarder non plus dans cet album.
Ce tome 7, il peut encore se résumer au fait qu’il dispose d’une intrigue sympa, mais ce n’est pas une BD qu’on a envie de lire ou de relire.
Et je pense que c’est un vrai gros problème pour « Sillage » ça.

…Parce qu’à un moment donné – quand même – un art, ça se respecte.

lhomme-grenouille
5

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Créée

le 19 févr. 2021

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