Amateur de yaoi, je suis toujours content de trouver des oeuvres qui ne se contentent pas de tourner autour d’une sempiternelle histoire d’amour mais s’aventurent dans d’autres genres, thriller, aventure… Suivant l’autrice depuis quelques temps et plutôt alléché par son style visuel, “Sanctify” paraissait prometteur, mettant en scène une enquête paranormale et visiblement une relation plutôt houleuse entre les deux personnages principaux. Sur le papier, ça avait tout pour plaire.

Dans les faits, “Sanctify” est pour moi une très grosse déception.

Et clairement, il faut que je développe un peu plus.


Corpo Christi et tout le saint frusquin

Lance, exorciste de métier depuis visiblement plusieurs années (et en paraissant 25 mais passons…), est lassé de ce job et des horreurs qu’il lui fait traverser. Néanmoins, quand une affaire sordide de famille massacrée horriblement et clouée au mur de son manoir dépasse complètement les forces de police, il accepte de jeter un œil et de fil en aiguille découvrir ce qui s’est passé…

Ne soyez pas hypé par cette ébauche, la réponse sera donnée par le manga arrivé à sa moitié, sans beaucoup d’emphase et avec une exposition lourdingue (un personnage tiers qui déballe littéralement comment marche le lore au travers d’un gros monologue… ), ne faisant guère durer le suspense. Un suspense plutôt absent, du reste, desservi par une mise en scène propre mais somme toute assez plate, qui peine à mettre l’accent sur la noirceur des événements. Quand on met en place une intrigue paranormale tournant autour de sacrifices pas bien propres, de secte, de vengeance, on insuffle dans son histoire un grain de folie, de désespoir… une émotion, et de préférence assez viscérale. Rien ici, ou un embryon, plutôt, malgré quelques planches un peu plus inspirées.

Et on ne peut même pas mettre ça sur le compte d’une mauvaise traduction - certaines publications taifu ont malheureusement ce travers - puisqu’il s’agit vraiment des choix narratifs et de mise en scène qui posent problème.

Et ça n’est pas aidé par les personnages…


On m’voit, on m’voit plus

Voir les deux - ils ne sont que deux - persos principaux de Sanctify bénéficier d’autant de pages et parvenir à être aussi bidimensionnels et peu développés est incompréhensible. Ils ne sont pas agaçants ni même stéréotypés, mais réduits à une caractéristique. Lance est neurasthénique à cause de son boulot (si j’étais mauvaise langue je dirais que la dessinatrice ne sait dessiner qu’une seule expression mais certaines planches prouvent que non) et Gil est intrusif et gênant. Et j’aurais honnêtement du mal à donner plus de précisions tant il n’y a pas grand chose de plus qui les définit, alors que Lance a clairement un passé ultra traumatisant et Gil beaucoup de choses pas nettes à cacher. Mais non. On croirait que le manga n’a pas envie d’en parler, se contentant de dérouler son intrigue de façon certes correcte mais molle et peu convaincante. Et mous et peu convaincants, c’est ce que sont les deux personnages, pas aidés des masses par un dessin certes techniquement très joli - on peut clairement pas dire le contraire - mais somme toute très classique.

En fait très classique c’est ce qui résume Sanctify : bien que je me sois montré plutôt critique, ça se suit, ça se lit, ça reste visuellement sympa et on se laisse porter par une intrigue pas originale pour un rond mais qui reste correcte.

Et j’aurais pu rester sur ce mot : correct. Sauf qu’il y a la dernière partie.

Et c’est là que Sanctify se met à complètement déconner.


50 nuances de “t’as pas le niveau, coco”

Je ne fais partie des indigné(e)s faciles qui hurlent dès qu’on montre un couple toxique ou de la violence de couple dans une fiction : je suis même plutôt public pour ça, à condition d’une part que ce soit sans ambiguïté sur la toxicité (et jamais montré comme mignon ou acceptable) et ensuite que ça serve quelque chose, artistiquement, narrativement, sur le plan du message… bref que ce soit plus que du banal racolage. Là, aucun problème.

Sauf que Sanctify n’a clairement pas les épaules pour mettre en place ce genre de chose. Après un déroulé plutôt plan-plan, cette dernière partie très graphique sort de nulle part - en termes de rythme et de style j’entends - paraît complètement gratuite et du coup franchement malaise. Et pas dans le bon sens du terme, du tout. Écrire un personnage psychopathe et abusif demande de la subtilité et comment dire que le personnage en question n’a absolument pas été subtil et ce dès sa première apparition ? Intrusif et à la limite de l’attouchement au bout de deux minutes en présence du héros, autant dire qu’on comprend vite à qui on a affaire. De la même façon, la relation étant à peine esquissée, cette bascule n’a absolument pas l’effet voulu. Le principe de l’emprise ne parle visiblement pas à la scénariste de Sanctify, qui aurait dû relire “In these words” avant de s’attaquer à un sujet aussi savonneux. C’est compliqué, d’écrire un bon taré, surtout quand on le place dans un récit qui manque de substance, quand on ne prend pas le temps de le construire et qu’on met en place deux personnages avec des personnalités aussi peu développées. Trop rapide dans l’exécution, trop périlleux dans la thématique, cette scène tombe les deux pieds dans la fameuse romancisation du viol qui est l’éceuil le plus basique quand on veut faire de la Dark Romance (et oui je sais que ça ne s’est “pas vraiment passé” mais le manga se complait à l’étaler sur beaucoup trop de pages pour que ça ne pose pas un problème).


Sans cette dernière partie, Sanctify aurait été un manga ok tiers, sympathique à lire et à suivre quand on aime les enquêtes paranormales avec un peu d’érotisme en sus. Avec cette dernière partie, il devient un manga médiocre, qui flirte même avec le gênant. Et c’est d’autant moins pardonnable qu’il avait les ingrédients pour faire ça bien. Alors certes, un second tome pourrait enrichir tout ça et lui donner du sens mais aux vues des très gros défauts de mise en scène et d’écriture déjà présents dans ce premier tome, j’ai personnellement des doutes.


SubaruKondo
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le 26 juil. 2023

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