Un cinquième tome souvent pointé du doigt, parfois injustement. Beaucoup le comparent au tome 3 pour son format, avec un enchaînement d’histoires brèves, entremêlées, racontées par des personnages réunis en un lieu clos. Ici, une auberge perdue dans les limbes du réel, alors qu’une tempête magique fait rage à l’extérieur.

Malgré les apparences, ce tome n’est pas une simple pause. C’est un hommage à la narration elle-même, et une transition émotionnelle bouleversante.


Le dispositif est simple, les voyageurs attendent, racontent. Mais ce que Gaiman orchestre derrière cette structure, c’est un tissage minutieux. Contrairement au tome 3 où les récits étaient indépendants, ici chaque histoire, chaque détour, semble destiné à une unique chose, préparer le terrain pour le dernier chapitre, celui qui referme un arc tragique, intime, brutal.

Car la “tempête” qu’ils affrontent est bien plus qu’une anomalie magique. C’est le deuil incarné. Le deuil de Morpheus lui-même. Celui d’un père, d’un roi, d’un éternel qui a commis l’irréparable. Et la tempête, alors, devient la matérialisation même de cette faille intérieure.

Ce tome boucle en fait l’arc d’Orphée.


L’auberge dans laquelle s'enferme plusieurs personnages est vue comme une catharsis.

On pourrait se dire que ces récits sont là pour meubler. Mais chaque conte, chaque point de vue est une métaphore déguisée. Tous parlent de perte, de transformation, d’identité mouvante. Ce n’est pas un hasard. C’est le cœur même de ce que vit Dream.

Ce lieu étrange devient alors une catharsis collective. Les personnages racontent pour exister, pour se relier à quelque chose. Pendant ce temps, dans un coin du réel, un père enterre son fils.


Ce qui rend ce volume remarquable à mes yeux, c’est sa fausse dispersion. On croit que l’on s’éparpille, mais on converge. On croit que Dream est absent, mais il est là, en filigrane, dans chaque parole, chaque silence. On comprend, à mesure que l’on avance, que tout cela n’est pas un détour, mais une forme d’adieu.

C’est un pari audacieux, ralentir le récit principal pour mieux digérer l’impact émotionnel. Gaiman réussit, car jamais un recueil de récits n’aura été aussi intimement lié à une déflagration invisible.



Certaines critiques parlent d’un volume mineur. D’une pause dispensable. Et je les entends. Ce tome ne fait pas avancer la chronologie. Il ne prépare pas de guerre ni de révélation cosmique.

Mais il fait quelque chose de plus difficile encore, il creuse le vide. Il montre ce que deviennent les failles laissées par les grandes décisions. Il donne un espace au deuil, au regret, au silence après le tumulte. Dans ce vide, il plante quelque chose.

Un avenir peu lumineux s'annonce...

Ce tome m’a touché parce qu’il ose. Il ose dire que même les éternels échouent, aiment, tuent, regrettent. Parfois, il faut raconter des histoires non pas pour avancer, mais pour survivre à ce qu’on a perdu.



KumaCreep
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