La toile de fond de "Sangoma" se déroule en Afrique du Sud (Cape town), un quart de siècle après la fin de l’Apartheid. Pourtant, malgré ce temps long, les inégalités raciales et sociales perdurent en dépit de l’abolition officielle de la ségrégation.
L’histoire débute par la découverte du cadavre d’un ouvrier noir dans une exploitation, concomitant au vol d'un bébé noir. Cela va naturellement conduire à l’ouverture d’une enquête policière qui devient le fil conducteur de l’histoire et qui va graduellement et fort subtilment inclure des thèmes plus larges, vestiges de l’apartheid : la violence et les conflits entre communautés, la quête de justice via la réforme agraire pourtant votée mais jamais appliquée, les tensions politiques au niveau de l’appareil d’état et impossibilité d’arriver à une quelconque réconciliation nationale des blancs et des noirs, pourtant du même pays et devenus égaux.
Le scenario (signé Carrey) rajoute à l’ensemble des thèmes secondaires mais parfaitement amenés comme la sorcellerie et le danger permanent dans les townships.
Le dessin est superbe, dynamique et dégageant une impression de réalisme (c’est la patte de C. Rouge). On sent le travail de documentation qu’il a fallut abattre pour arriver à ce résultat.
Les rebondissements sont crédibles et le rythme soutenu, ce qui rend la lecture captivante jusqu’à la dernière planche. Limite ‘’On sent la poussière et on sue’’ aux côtés du Lieutenant de police, on a peur et on vibre en suivant l’action au plus profond du township, on vit l’histoire, on est attristé par le réalisme des textes qui restituent parfaitement les points de vue opposés… et fait froid dans le dos.
‘’L’économie est entre les mains de la minorité blanche. Nous voulons récupérer les terres que vos ascendants nous ont volées!",
"C’est nous qui avons cultivé ces terres et développé le pays. Quand mes ancêtres sont arrivés, vos ascendants découpaient les zébus vivants pour se griller un steak".
Cette BD mérite sans probleme la note de 7.