Mise à mort

Ce cinquième tome édité par Delcourt contient les débuts de la seconde série Darkness ainsi que le cross-over Darkness/Pitt, Darkness : The Butcher et Darkness : Wanted Dead. Un ensemble assez diversifié qui est censé se dérouler après le tome 4, marquant la fin de la première série.
Faisons donc un point sur la fin du volume 1 : Jackie Estacado a perdu la seule personne qu'il aimait vraiment, son amie Jenny, abattu par son oncle Frankie, parrain de la mafia, pour punir Jackie d'avoir trahi la famille en le livrant aux fédéraux. Jackie décide alors de se venger et de retrouver Jenny en Enfer, pour cela, il réalise un suicide collectif avec son oncle et tous ses gardes.

Alors que Darkness vol.1 #40 était déjà dans un schéma qui oubliait toute l'aventure passée, le numéro #1 du volume 2 n'est pas mieux. Paul Jenkins met en place une ambiance très différente de ce qui fut fait au préalable et ramène les paramètres à zéro dans un soucis de totalement oublier ce qui existait.
Exit donc la quête de Jackie pour retrouver l'âme de Jenny. Jackie Estacado a bien été en Enfer, mais le Darkness a fini par le ressusciter. On apprend, au passage, que jamais le Darkness n'aurait été tué, ce qui rentre en contradiction directe avec les propos de l'Angélus et de Sonatine. Bravo pour la cohérence. Le suicide de Jackie n'a donc plus aucun sens. On sait juste qu'il a été en Enfer et qu'il en est revenu. On notera d'ailleurs que graphiquement, l'Enfer est bien morne par rapport aux attentes légitimes du lecteur.

Exit aussi les questions de quête mystiques, de religion, d'apocalypse. Non, on retombe dans de la mafia pure et dure mais très mal écrite. D'une part, la trahison de Jackie Estacado est réécrite. Ce ne serait plus pour des raisons morales, le souhait d'enfin faire du bien et la compréhension de l'inutilité de la mafia qui ne serait que des escrocs sans moral, mais pour des raisons moralement plus discutables. Jackie aurait fini par trouver que l'oncle Frankie manquait de respect envers les traditions familiales et pour sauver la mafia d'un virus qui l'infectait, il aurait choisi de le faire sauter. Jackie Estacado se trouve donc être particulièrement fidèle à la mafia dans cette histoire qu'il considère comme sa famille. On est aux antipodes de ce qui nous avait toujours été présenté. Jackie embrasse donc cette carrière de mafieux et décide de refaire vivre la famille.
Dans le même temps, un nouveau méchant voit le jour : Paulie, nouveau parrain, envoyé pour succéder à Frankie et qui décide de forcer Estacado à être son allié. Le problème c'est que le charisme de Paulie est inexistant et le lecteur ne pourra jamais le trouver ni intéressant ni menaçant. C'est totalement gratuit. On passe sur les moyens de pressions de Paulie, franchement limites scénaristiquement et on comprendra qu'on est face à une belle imposture d'écriture : Darkness vol.2 change totalement de sujets mais passe dans une ambiance sans intérêt.
On notera aussi l'absence des Darkies, plus de petites créatures pourtant si drôles. Résultat très décevant encore une fois.
Quant à la partie graphique, les dessinateurs se suivent sans se ressembler ce qui donne une grande déception encore tandis que la seule constance est l'aspect body-buildé de Estacado. Reste les mises à mort, beaucoup plus sordides et sanguinaires que par le passé, collant mieux à l'ambiance de Darkness.
Pour cette partie du tome c'est donc de la déception pure. Outre une histoire médiocre, qu'on a du mal à croire comme crédible et où les différents protagonistes amènent un vif inintérêt, on se retrouve surtout avec un manque total de respect pour tout ce qui avait été écrit jusque là. Difficile d'être dedans donc. Enfin, graphiquement ça change beaucoup trop pour offrir quelque chose de cohérent. Un peu comme les thèmes abordés d'ailleurs qui sont tellement fades qu'aucun lecteur ne peut accrocher. Sans aucune hésitation le pire arc de Darkness depuis ses débuts.

On a le droit, ensuite, à trois histoires séparées. Si The Butcher propose un nouvel angle de vue, à travers la vision de Joyce le boucher, ce n'est pas du tout essentiel. L'histoire n'avance pas réellement avec ce one-shoot et on est plus dans le bonus pur. Peu convaincu là encore, surtout avec un schéma narratif depuis longtemps éculé.
Nous avons aussi Darkness/Pitt, cross-over où Jackie Estacado retrouve sa personnalité des débuts, plutôt arrogant et enfantin. Le tout saupoudré d'homophobie … Bref, pas un cocktail génial, Pitt est la voix de la raison et c'est finalement l'alien qui récolte les grandeurs, le succès et l'intérêt. L'histoire cependant est fondamentalement décevant par sa résolution rapide qui aurait dû être plus grandiose avec quand même trois issues dessus. Pas fondamentalement mauvais mais décevant.
La seule histoire véritablement intéressante est Darkness : Wanted Dead qui raconte, avec une belle référence à Pulp Fiction, comment Jackie Estacado, sous surveillance du FBI après avoir dénoncé son oncle Frankie, a sa tête mise à prix et va finir par faire justice lui-même. Intéressant, surtout à cause du contexte puisqu'il s'agit de l'histoire remettant au goût du jour le Darkness tel qu'on le connaît, notamment avec ses darkies.

C'est donc un ensemble très décevant que l'on a dans ce cinquième tome qui réunit peu d'ingrédien convainquant. La mise à jour des thématiques dessert fortement la série qui se retrouve rétrogradé au rang de vulgaire copie minable de série B à ambiance mafieuse. Sans intérêt et franchement triste, le manque de tension joue beaucoup ainsi que l'absence totale de charisme des différents protagonistes. La baisse de niveau scénaristique se fait ressentir sur tous les plans (fond, tension, personnages, narration, enjeux) et amène à vomir cette suite de Darkness.
Les bonus n'aident pas trop, Darkness/Pitt est un cross-over qui propose un Darkness trop faiblard et superficiel pour combler nos attentes, Butcher sert de bonus à l'histoire principale mais se révèle, là encore, superficiel et Wanted Dead n'a également qu'un intérêt limité, proposant une bonne histoire mais sans fond réellement intéressant.
Delcourt n'a plus édité de tome de Darness depuis mai 2013 et au vu de cette dernière prestation, j'ai un doute que ça change. Ce tome 5 serait donc la fin de l'aventure Darkness en France.