Guy Delisle raconte sur plus 400 pages, les mois de captivité de cet homme durant lesquels sa seule activité va consister à manger du pain trempé dans du bouillon, se laver sommairement et faire ses besoins sous l’œil de ses geôliers, dont un qu’il appelle « Thénardier » et avec lequel il ne pourra converser que par gestes. Le reste du temps, une main menottée à un radiateur, il le passera à cogiter, à se faire des films sur des guerres napoléoniennes, à imaginer sa fuite, à penser au siens et ses collègues, à se demander si on ne l’a pas oublié, tout ça guidé par une force de caractère qui lui a sans doute permis de tenir le coup si longtemps.
La grande force de ce récit, malgré la minceur du scénario, c’est de rendre ce long moment sans action finalement presque aussi captivante qu’un polar. Avec précision et moult détails, Guy Delisle a su parfaitement retranscrire les émotions par lesquelles est passé l’otage, le temps qui s’étire, la longueur des journées et des nuits passées à ne rien faire, mettant le lecteur dans la peau du personnage, lui faisant ressentir ses craintes, ses espoirs, ses questionnement…
Si le dessin peut paraître répétitif au premier abord, très vite on oublie le minimalisme et la répétition des cases où l’on voit l’otage allongé sur sa couche, pour se concentrer sur tous ces petits détails qui font avancer l’histoire, tout doucement mais sûrement, vers une fin que l’on sait ou que l’on imagine heureuse.
Un huis-clos très réussi et extrêmement maitrisé par celui qui jusqu’à maintenant nous avait régalé avec ses récits épiques en forme de reportages lors de ses différents séjours à Jérusalem, Pyongyang ou Rangoon. A retrouver sur http://www.benzinemag.net