Agréable reconstitution

On suit la carrière de Beate et Serge Klarsfeld, de leur rencontre romantique à leurs années de recherches bénévoles à la recherche d'anciens nazis. L'ouvrage s'ouvre sur l'action qui les a fait connaître : la giffle qu'infligea Beate au chancelier Kiesinger, ancien nazi resté un grand ponte de la CDU. On suit ensuite leur carrière avec quelques allers-retours chronologiques justifiés et bien amenés.

L'ouvrage insiste sur le fait que ce combat se fait dans le désert, en luttant contre un ennemi : l'oubli, ou juste le temps qui passe et menace de voir ces nazis partir dans la mort sans avoir été démasqués. Les auteurs n'édulcorent pas certains procédés qui aujourd'hui choquent et rappellent les années de plomb : Serge qui retrouve Lischka, un ancien nazi pas inquiété et, faute d'avoir réussi à l'enlever pour le faire juger à l'étranger, le menace avec un révolver vide. La tentative de payer, avec l'aide de Régis Debray, des mercenaires pour enlever Barbie (le gros gibier de la 2e partie du livre) de Bolivie.

C'est assez fascinant, d'autant que les décors, les situations et les dialogues capturent bien les époques, des années 1960 pop aux années 1970 plus énervées. On sent que le procès d'Eichmann, enlevé par le Mossad et jugé en Israël, a été une matrice importante. Mais on voit des particuliers tenter de se substituer à des services secrets. Un peu comme des justiciers dingos, au fonds. On croise pas mal de gens connus, comme Willy Brandt.

L'ouvrage se centre beaucoup sur Beate, qui met bien des fois sa vie en danger (en Amérique du Sud, en bravant l'opinion ouest-allemande hostile, etc...). Cela donne parfois l'impression que Serge est un gentil monsieur plan-plan marié à une Antigone énervée. Bon, la partie sur Arno, leur fils, dont on connaît la peoplisation sous Sarkozy, est assez dispensable.

Une bande dessinée intéressante, en tout cas, qui donne envie d'en savoir plus, et est agrémentée, comme il se doit, d'un joli dossier de photographies en fin d'album.