Shaman King
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Shaman King

Manga de Hiroyuki Takei (1998)

À compter de l'instant où il est question de dresser une liste des Shônens ayant marqué leur époque au cours des trois dernières décennies, les titres fusent. La période fut prolifique et les succès nippons ont quitté l'enclave nationale pour s'exporter et se diffuser. Les titres fusent et demeure pourtant un perpétuel absent des listes que je parcours ici et là : Shaman King.


Que ceux qui liront cette critique (indépendamment du fait qu'ils en valident ou non les points à venir) m'accorderont au moins que Shaman King semble avoir été privé du semblant de postérité auquel il avait droit. Le manga a peu marqué les esprits semble-t-il. Peut-être que l'insuccès et surtout la médiocrité de son adaptation animée fut responsable en partie de ce phénomène inexplicable, mais cela n'explique pas tout. Du moins, je me plais à le croire.
Car très honnêtement, l'absence de renom en France et en occident d'un pareil titre relève pour moi du mystère le plus absolu et insoluble. On a oublié Shaman King. J'ignore comment cela est possible, mais sa renommée n'a laissé aucune trace avant de s'évaporer sans raison.


Ce postulat me pèse d'autant plus qu'il fut le premier manga que j'eus l'occasion de lire de droite à gauche. Ma première réelle expérience avec le monde du manga. Au risque de verser dans le débordement, je puis assurer au lecteur que c'est une sensation qui ne s'oublie pas. Peut-être est-ce pour ça que je n'ai pas été frappé par cette amnésie collective qui semble n'avoir épargné que trop peu de monde. Je remercie l'ami qui m'a prêté ses premiers volumes de m'avoir permis de plonger de plein-pied dans le milieu du manga.


Cette critique se concentrera toutefois sur la version aboutie du manga, l'édition Kang Zeng Bang. Pour ceux n'ayant pas été de ce monde au moment de la parution hebdomadaire du manga (putain que je me fais vieux), Shaman King dû s'arrêter avant son terme à compter du tome 32 faute d'un manque de popularité au sein du lectorat du Jump. Lectorat qui le regrettera bien assez tôt puisque Takei conclura son œuvre restée jusque là inachevée dans une édition intitulée Shaman King Kang Zeng Bang que nous présenterons ici comme sa version complète, celle que l'auteur souhaitait.


Shaman King part d'un postulat simple et grossier dont les contours seront pourtant très affinés et subtils au cours des chapitres se succédant : un tournoi. Le tournoi, autrement appelé grosse ficelle du Nekketsu combat s'avérera être non pas un composant de l'histoire mais son élément central, sa clé de voûte. Autant dire que tenir trente-deux tomes (moins en réalité, le préambule occupant en réalité les treize premiers tomes) avec cette simple idée initiale en tête relève de la réelle prise de risque. D'autant plus que l'événement en lui-même ne sera pas traité de la manière la plus conventionnelle qui soit si on se réfère aux critères du genre. Ce tournoi, Hiroyuki Takei va nous le briquer afin de nous le servir étincelant.


Hiroyuki Takei était assistant en même temps que Eiichiro Oda auprès de Nobuhiro Watsuki pour le dessin de Rurouni Kenshin, autre pièce maîtresse du Jump de la décennie 1990. Takei, un auteur qui aura peut-être par la suite un peu trop tablé sur son succès principal en cherchant à multiplier les suites ratées et décevantes de Shaman King dont seuls les dessins sauront charmer.
Dessins au départ anecdotiques qui se préciseront vers un style plus esthète et raffiné sans que la transition ne fut brutale ou mal amenée. Sa patte se sera améliorée au fil des ans, tant et si bien qu'elle séduira un certain Stan Lee qui deviendra plus tard le scénariste du manga Ultimo.
Et c'est Oda qu'on continue d'encenser...


Puisqu''il est question d'un Shônen combat versant dans le fantastique, un système de puissance «magique» propre à l'œuvre est de fait envisagé. Les Shamans sont ici des individus capables de voir et interagir avec les esprits jusqu'à se servir de ces derniers pour se renforcer. D'abord en laissant l'esprit prendre le contrôle de son corps, puis, plus tard, en associant l'esprit (ou les esprits) à un objet spécifique pour créer une Oversoul bénéficiant de son pouvoir propre. Ça ne casse pas trois pattes à un canard mais ça ne s'embarrasse pas d'explications faussement complexes et alambiquées pour se pourvoir d'un fond prétendument sérieux. Un pouvoir chamanique catégorisé en rubrique TGCM qui passe admirablement bien et sur lequel on s'attardera fort peu en réalité. Les enjeux des combats s'avérant généralement plus prenants que les affrontements en eux-même.


Le système du Shaman combattant avec son esprit aurait été inspiré des stands de Jojo's Bizarre Adventure (Hirohiko Araki). Si ce n'est la dualité des combattants, l'Oversoul reprend au final peu de choses du concept du stand, en tout cas, pas le caractère tortueux et ingénieux des pouvoirs. Encore une fois, ce qui amène les personnages à combattre a plus de valeur que leur agencement sur le plan technique. Ils n'en demeurent pas moins plaisants à lire (moins sur la toute fin où il n'est plus question d'un déferlement confus de pouvoirs déjà mis en avant cent fois et dont l'issue est prévisible).
Inspiration toujours, l'arc de sauvetage de Ren rappelle cruellement l'arc du sauvetage de Kirua dans Hunter x Hunter, autre Shônen ayant, comme Shaman King, commencé à paraître en 1998.


Le Nekketsu ne coupe jamais à l'humour. Il est ici remarquablement dosé. Loin d'être omniprésent - ce qui saturerait et userait le lecteur - il fait très souvent mouche en reposant sur des ficelles assez simples mais bien amenées. Ponchi et Konchi pour l'humour grivois, Anna pour le sadisme, Ryu et Chocolove pour les clowneries, ainsi qu'une pléthore d'autres éléments variés s'attelant au même registre. On n'y fait pas attention en le lisant, mais une fois que l'on réfléchit à propos de la comédie dans Shaman King, on se rend compte qu'il est indubitablement présent et toujours au bon moment. La tension est très bien gérée. Takei excelle dans la mise en scène. Pas dans le scénario.
Mention spéciale à Hao répliquant à Konchi pour lui demander s'ils veulent comparer la taille de leurs bourses par provocation ainsi qu'à l'instant où Yoh déclare devant des milliers de spectateurs que le redouté Hao n'a aucun d'ami.


Rarement un personnage principal de Shônen m'aura autant séduit que Yoh Asakura. Ces héros... je les trouve d'habitude si insipides. La raison première étant qu'ils sont fabriqués en chaîne et issus du même moule. Si je vous dit «personnage vertueux, gros mangeur, plutôt drôle qui se met dans une fureur noire dès qu'on attaque ses amis» vous viennent à l'esprit une bonne centaine de protagonistes de mangas différents. Ayons un regard objectif sur le Nekketsu : rares sont les auteurs à sortir des sentiers battus et à faire preuve d'originalité dans la confection de personnages. À fortiori quand ce personnage est le héros de l'histoire. Cet amer constat est malheureusement un tare inhérente au genre. Tare ici plus qu'esquivée.
Avec du recul, je me rends compte que je m'attarde rarement dans mes critiques Shônen sur un personnage principal de l'œuvre sur laquelle je répands de l'encre. En un sens, ces derniers répondent tellement à des critères de produits usinés que j'ai fait le deuil de l'idée consistant à les trouver un jour intéressants, leur préférant généralement - et de loin - les personnages secondaires. À condition que ceux-ci soient travaillés à minima.
Yoh dénote du protagoniste lambda. Très peu passionné, il admet que sa seule aspiration en ce bas monde est de se la couler douce. Nonchalant, fainéant à la limite du je m'en foutisme le plus absolu, il est représenté avec ses écouteurs derrière les oreilles et son pantalon bouffi comme un hippie moderne, seul, peut-être désabusé et sans doute revenu de tout. Paisible en presque toute circonstance, il est en général d'un calme déroutant, ne s'énervant jamais (excepté au cours de ses premiers combats sérieux alors que son caractère n'était pas encore totalement délimité par l'auteur).
Un hippie au sourire mièvre dont on peut parfois douter de la sincérité et considérer comme un masque pour dissimuler son absence absolue de passion, voilà un personnage principal qui sait me ravir par son originalité.
Ajoutons à cela que, contrairement au héros de Shônen lambda, son père, bien que puissant, n'a pas une dimension particulière dans le manga. Mikihasa en plus d'être un personnage émouvant (père absent suite à un traumatisme qui cherchera à se rattraper auprès d'un fils et d'une fille de substitution) saura se présenter et s'effacer à temps. Pas de justification de pouvoir par la lignée ascendante qui tienne. On ne peut pas tous être fils d'Hokage de la dixième division de la Soul Society ayant affronté Freezer tout en étant le chef d'une révolution mondiale.


Yoh sera accompagné de Manta, personnage mascotte qui fera office de témoin humain au milieu du monde des shamans afin de justifier que le lecteur ne découvre cet univers avec ses yeux à lui. Une fois ledit univers dévoilé et le Shaman Fight entamé, il sera relégué à un rang de personnage de troisième plan, lui étant préféré les compagnons que Yoh se sera aggloméré sur la route menant au titre de Shaman King. Car si tournoi il y a, il est question que le vainqueur puisse accéder au titre de Shaman King et faire le vœu de son choix auprès de l'entité spirituelle absolue : le Great Spirit.
C'est bateau, mais on accepte de naviguer là-dessus car, en étant la pierre angulaire de l'intrigue, le Shaman Fight semblera par moments s'effacer au profit d'intrigues connexes et haletantes.


Car c'est de ça dont il est question au fond quand mes prunelles s'étincellent au moment où l'on mentionne (trop rarement hélas) le nom de Shaman King : Les «off». Comment sortir du schéma classique du tournoi ? En faisant des matchs par équipe et en occupant la trame de myriades de combat entre shamans se déroulant en réalité en dehors du ring. C'est ici que se situe l'enjeu réel, les phases du tournoi qui s'enchaîneront par la suite paraîtront alors rudement récréatives en comparaison.


Si Yoh se démarque admirablement de ses comparses du milieu du Shônen, pareil compliment ne peut toutefois pas être adressé à ses compagnons :



  • Ren en premier lieu, son «Végéta». Rival orgueilleux, d'abord enfant capricieux et cruel qui admettra rapidement défaite face à un semblant de «pouvoir de l'amitié» (je vous rassure, il n'y aura quasiment aucun couplet sur l'amitié de tout le manga) et se dévoilera par la suite plus édulcoré et raisonnable tout en conservant sa fierté. Oui, un Végéta au rabais, il faut bien le dire.

  • Horohoro, personnage expansif, dévoilant ses passions, colères et tristesses sans ambages. Intelligence rudimentaire, tempérament de feu (ironique considérant la nature de son pouvoir), lui, a tout des caractéristiqued du personnage principal de Shônen. Un Luffy à bandana en moins drôle. C'est dire.

  • Chocolove, personnage tombé de nulle part au tome 13 afin de justifier que l'équipe de Ren puisse avoir ses trois membres pour participer. Humoriste lourdingue et assumé comme tel, il a peu à faire valoir en dehors de cela si ce n'est son passé de criminel assez peu crédible au vu du changement de personnalité observé d'une période à l'autre.

  • Lyserg, enfin. Garçonnet androgyne et pur cherchant à prendre sa revanche sur l'antagoniste principal de l'œuvre : Hao. Il est mignon, cherche à se faire passer pour plus méchant qu'il ne l'est, c'est au final l'équipe qu'il rejoindra qui lui donnera son importance.


Mais au milieu de ces rebuts archétypés du nekketsu basique, deux personnages principaux trouvent toutefois grâce à mes yeux. Bokoto no Ryu en premier lieu. Bosozoku caricatural présenté comme un antagoniste ultra-mineur et prétexte au gag, il rejoindra le groupe des héros et le fera briller de sa superbe. Car de tous les personnages, il est le seul dont l'humour fasse mouche à chaque fois.
Dernier mais pas des moindres : Faust VIII, le personnage gâché du manga. Si gâché qu'il justifie que je m'attarde sur son cas. Seul adulte du groupe de Yoh, (Ryu n'a que dix-huit ans à peine), il a tout pour plaire. Méchant repenti, passé véritablement marquant justifiant sa personnalité, conception stylistique de l'apparence séduisante, ce médecin rendu fou par sa frénésie amoureuse mais constituant aussi la variable sérieuse du groupe est l'atout du manga en terme d'intérêt suscité auprès du lecteur. Takei a déniché une gemme scintillante en créant ce personnage et en choisissant de l'exploiter plus tard dans le clan des protagonistes. Cette gemme ? Il la laissera de côté, là où il aurait dû la présenter plus en évidence et la polir jusqu'à la faire scintiller de mille feux.
Erreur stratégique monumentale de l'auteur qui choisira à nous imposer au forceps le très lourd et fatiguant Chocolove en complément d'un Lyserg tourmenté dont l'objet de la quête de vengeance aura été abordé cent fois au moins dans différentes œuvres du même tonneau. Laissé de côté la plupart du temps, Faust sera relégué petit à petit à sa fonction la plus élémentaire : un médecin. Le médic qui justifiera par la suite que les autres puissent se blesser (et se tuer). Il en sera de même pour Ryu, plus tard cantonné à un rôle de comique de seconde zone.
On pourrait s'imaginer que pareille diatribe tient simplement à la déception d'un amateur inconditionnel d'un personnage en particulier, que cet avis au fond n'engage que sa sensibilité propre. J'ai envisagé cela, puis, en cherchant, suis tombé sur un concours de popularité des personnages de Shaman King publié par le magazine Shônen Weekly Jump (où paraissait le manga) datant de 2018, soit, vingt ans après son début et plus de dix ans après sa conclusion. Le résultat ne m'étonna guère ; Faust était dans le top 5. Ce même Faust, laissé de côté durant la majeure partie du manga aura néanmoins su trouver sa place auprès du lectorat du fait de sa dimension et son envergure bêtement ignorées par Takei.


Non, à la place de Faust, il lui aura préféré «Les cinq guerriers». De catastrophe en catastrophe, l'auteur sabordera malencontreusement le manga. Car après les génialissimes et haletantes batailles des tomes 17 à 19 (le manga vaut la lecture rien que pour cet arc sans répit), un groupe de personnages aussi inutiles qu'oubliables (eux n'auront pas trouvé leur place auprès de l'affection du public) interférera pour nous vomir une histoire de prophétie dont la fragrance laissait à penser qu'elle sortait d'un gros colon. Pour justifier que Yoh, Ren, Lyserg, Horohoro et Chocolove seraient les seuls à être conviés à la noce finale - laissant sur le carreau myriade de personnages secondaires (et principaux) - une crétine nommée Sati sort de son trou le temps de baver ses âneries de «Cinq guerriers» et disparaît comme elle est venue, restant néanmoins en toile de fond comme une morceau d'étron aillant jailli jusque sur les murs des chiottes d'un camping insalubre et dont même la javel n'aurait su en venir à bout. C'est graphique, mais ça se veut parlant ; le groupe Gandhara aura énormément joué dans la baisse graduelle de qualité du manga.


Cela dit, afin de contrebalancer, il faut bien rapporter que pour une fois, un personnage féminin dans un Shônen (adressé à un public masculin peu porté sur les choses de l'amour il faut bien le dire) sait captiver. Anna en plus d'être un instrument tout désigné pour des gags cruels possède réellement les attributs de caractère d'un personnage féminin fort. Elle ne force pas son aspect femme-forte, elle l'incarne avec justesse et simplicité. Pour une fois, cela va de soi.
En dépit de son rôle vis-à-vis de Yoh - à savoir, celui de sa fiancée - jamais l'auteur ne nous fera l'offense d'imposer de la romance au rabais susceptible de ralentir l'intrigue. Je l'écris et le répéterai chaque fois que l'occasion se présentera : une bonne histoire d'amour s'écrit sans un «je t'aime» et se dessine sans un baiser. Voilà une romance comme on les aime : sans les roucoulements d'usage ou autres oripeaux mielleux. Un réel plus pour l'œuvre.


Takei avait aussi un vivier d'antagonistes qui ne demandait qu'à être approfondi et exploité jusqu'à la dernière pépite du filon. Le groupe de Hao et ses quatorze hommes de main avait tout pour se suffire à lui-même. Ses acolytes étaient des ennemis récurrents qui savaient se renouveler dans leurs attaques contre les héros. Il ne leur manquait guère que des personnalités plus marquées ainsi qu'une dynamique de groupe plus aboutie avec des relations mieux construites entre les personnages. Je pense notamment à l'amitié Turbine-Peyote qui aurait gagné à être plus détaillée et répliquée sous différents avatars entre d'autres membres. Ça, et peut-être une plus grande variété pour leurs pouvoirs - ou en tout cas une évolution parallèle à celle des héros dans la portée de ces derniers.
Nous avions tous, je pense, notre préféré au milieu de cette troupe de personnages à la conception artistique intéressante de prime abord (le mien, c'était Blocken). Mais hélas, une fois de plus, l'auteur se détournera de l'occasion en or consistant à mieux les mettre sur le devant de la scène pour s'égarer avec le Gandhara.


Les X-Laws ont su trouver leur intérêt comme puissance tierce et complexifier un peu les allégeances et alliances entre les trois gros clans participants au Shaman Fight. Il y aura tout de même eu des idées bien exploitées jusqu'au bout. Eux auront bien servi leur rôle.


Je pourrais, entre autres choses, faire le reproche du Flash-back Osorezan Revoir survenu lors du tome dix-neuf, coupant subitement l'élan et la superbe de l'action pétulante et bouillante qui aurait méritée de rester ininterrompue encore un ou deux volumes. En lui-même, ce Flash-back ne pèse pas bien lourd sur le plan de l'intrigue mais prend aux tripes en introduisant le personnage de Matamune dont le tragique prendra au dépourvu. Je ne m'étais pas figuré qu'un personnage nous étant présenté si peu de temps puisse autant nous amener à nous attacher à lui. Le dernier en date était Martin Reest de Monster.
Comme quoi, Takei sait y faire quand il veut pour nous faire parvenir des personnages charismatiques et intéressants. Mon regret étant qu'il n'ait pas autant développé les antagonistes affiliés à Hao afin de leur donner une réelle présence et corser de ce fait la nature des enjeux de leurs combats récurrents contre les héros. Cette empathie qu'on se surprend à avoir pour Matamune, nous aurions dû l'éprouver à l'égard de bien plus de personnages du manga. L'auteur avait ce qu'il faut pour nous subjuguer et nous les rendre sympathiques. Il aura choisi d'éluder la problématique et ce fut fort dommageable à son œuvre.


Pas de déferlement de puissance qui tienne pour les combats durant un long moment. Il est même d'ailleurs admis très tôt qu'Hao est invincible et que jamais le combat ne serait un jour envisageable face à sa suprématie, amenant les héros à envisager un moyen sournois et détourné pour l'empêcher de parvenir à ses fins. Rien de tel pour me ravir dans un Shônen. Pas de «Nous vaincrons parce que nous sommes les plus justes» qui tienne. On reste réaliste : TOUT pour empêcher Hao de gagner. Une bonne idée qui sera au final atrocement mal mise en scène au point d'achever tout ce qui put nous faire apprécier le manga à un instant donné.


Toutes les «off» auront su me faire vibrer. L'arrivée des hommes d'Hao en dehors d'un ring est un sentiment qu'on n'oublie pas. Du groupe des trois attaquant Ren sous le regard satisfait de Nichrome jusqu'à la tentative d'assassinat d'Hao par le groupe X-II, les situations conflictuelles multiples et variées vous prennent au dépourvu et brisent l'idée d'une monotonie morne et chiante d'un Nekketsu qu'on aurait pu croire prévisible.
Il faut l'admettre, c'est parfois déroutant et imprévisible en ce sens où l'auteur ne sait pas où il va. La conclusion du combat contre le golem laisse quand même une impression de confusion involontaire de la part de Takei si ce n'est d'improvisation. On ne va pas se le cache, il y'avait un peu de hors-piste par moment, mais ça restait très rare. Les affrontements dans et hors du ring du Shaman Fight, sans s'illustrer particulièrement sur le plan technique pourvoyaient toujours le lecteur avec une tension savamment mise en scène pour capter son regard. Regard perdu par la suite suite aux errements centrés autour de la prophétie des «Cinq guerriers». Putains de Gandharas. Entre leur prophétie et les résurrections délivrées en quantité industrielle, ils auront sonné le premier glas du manga mais la déception qui suivra ne tient pas qu'à eux seuls.


Comme pour couper les ponts avec tout ce qu'il avait construit - car pré-sentant vraisemblablement la chute de popularité de son manga - Takei prend des initiatives impulsives pour avancer au mieux la fin de son récit. Une fin qui, même achevée dans l'édition Kang Zeng Bang, ne satisfera pas une seule personne ayant aimé le manga pour ce qu'il était, car trahissant tout ce qu'il fut sur le plan de la narration et surtout de la la mise en scène et présentation des situations conflictuelles.


C'est à ce compte que les acolytes d'Hao s'entre-tueront en un chapitre pour une raison vaseuse qui, comme les Gandharas, sort d'absolument nulle part. D'un revers de la main, on jarte des personnages qui auront fait la richesse et la gloire des grandes heures du manga par l'adversité qu'ils ont provoquée. Voilà qui donne le ton de la fin. Du début de la fin précisément.
Du mauvais, nous passerons au pire. Et ça ira decrescendo, comme toute chute-libre qui se respecte.


Pour assassiner Hao au moment où il est le plus vulnérable - lorsqu'il s'immergera dans le Great Spirit - les héros et quelques alliés chercheront à infiltrer l'endroit où aura lieu la cérémonie. Non seulement, il n'y en aura que pour les «Cinq guerriers», Iron Maiden Jeanne, Marco, Ryu et Faust ayant droit à un lot de consolation d'un chapitre chacun pour mieux les expédier par la suite - une manie sur la fin - mais en plus l'agencement des combats sera à pleurer. Le même Hiroyuki Takei qui nous avait surpris par la disposition et la dimension originale des batailles organisées en «Off» nous livre alors un mise en scène des affrontements digne du niveau zéro. Dignes de la bataille des sanctuaires de Saint Seiya pour être plus exact.
Ce n'est pas une plaisanterie. Chaque Patch gardien du Great Spirit se verra pourvu d'une plantation (renommez «sanctuaire») où les héros l'affronteront afin de pouvoir passer à la plantation suivante et répéter le procédé dix fois. Shaman King, un manga où la nature et la composition des bastons se voulaient imprévisibles et prenant sans jamais opter pour une trajectoire linéaire cède finalement au profit du poncif le moins imaginatif qui soit.


Un à un, de manière expédiée et décevante, les gardiens seront vaincus sans qu'un ersatz d'intérêt n'ait frôlé le lecteur les concernant. Alors, la fin se révélera à nous en même temps que l'intérieur du Great Spirit tandis que nos héros seront absorbés avec Hao. C'est à cet instant précis que même ceux n'ayant pas perdu patience à l'issue de ce sprint final lamentable explosent de colère.
Dans un festival de mièvrerie rarement égalé, toutes les âmes de tous les personnages présentés jusqu'à lors (y compris celles que Hao était censé avoir détruites et annihilées) se profilent et cherchent à persuader Hao de ne pas mettre en œuvre ses desseins. La maman d'Hao apparaît alors, lui met une claque et il rentre dans le rang.


Oui.


Je saigne des doigts rien qu'à l'écrire. C'est saisissant de bêtise en plus d'insulter le lecteur assidu qui ne retrouve rien de ce qui fit jadis le succès du manga.


Nous nous retrouvons après ça avec le classique «X années plus tard». On nous présente les personnages ayant grandi. C'est convenu, c'est chiant, mais c'est court. Fin. Ça valait vraiment pas la peine d'achever la série et ça se passe de commentaire, tout lecteur de cette série aura probablement essuyé un tic nerveux en lisant cela.


À me lire, Shaman King n'est finalement pas un Shônen si impactant parmi ses pairs et il n'y a pas lieu de s'étonner de son absence de postérité en nos contrées. Et pourtant, ça vaut le détour.
Les pouvoirs ne sont pas imaginatifs outre mesure, la plupart des personnages tiennent de l'archétype (acceptable cela dit) propre au Shônen Nekketsu mais c'est une lecture qui reste. Pour l'avoir lu une nouvelle fois il y a très peu de temps après plus de dix ans, je me rends compte que je n'ai pas oublié grand chose de ma dernière expérience Shaman King.
La mise en scène du Shaman Fight et de ses «off» (j'insiste, mais c'est vraiment le gros de la qualité de l'intrigue), son vivier de personnages secondaires malheureusement pas suffisamment défini et développé, des dessins de plus en plus soignés, tout cela vous amène fermer votre tome avec un sentiment de satisfaction inaltérable, bien que laissant un un arrière-goût amer - très amer - suite à la lecture des derniers volumes.
Mais combien de Nekketsus ont raté leur sortie ? Est-il nécessaire d'ouvrir des portes ouvertes et de parler de la longue et lente agonie de Naruto d'ici à ce que le dernier coup de crayon ne fut administré ? Malgré la débâcle, on se souvient de Kishimoto pourtant. De Takei, moins. Beaucoup moins. Et c'est un tort.


Originellement, j'avais sanctionné d'un six la note de ce manga, je la maintiens. Mais pour corriger une imperfection inique, à savoir l'oubli collectif d'un manga qui, en réalité, vaut bien mieux que la plupart des productions à succès lui ayant succédé, une étoile de plus valait la peine d'être attribuée.


Anecdote déplorable pour conclure ; une nouvelle adaptation animée de Shaman King avait été à l'ordre du jour en 2017. Elle fut déclinée par Hiroyuki Takei sous prétexte que les comédiens originaux (qui avaient vingt ans de plus...) n'étaient pas retenus. Jamais homme n'a pris autant de mauvaises décisions alors que des opportunités inespérées lui passaient à portée de main. Le manga aurait connu une nouvelle jeunesse. Une nouvelle jeunesse que cherche à lui accorder kana avec sa nouvelle édition en dix-sept tomes du manga pour début 2020. Certains n'oublient pas et c'est heureux.


P.S : Je suis tombé sur ce reportage axé autour de Hiroyuki Takei, en espérant régaler les amateurs : https://www.youtube.com/watch?v=zp6_kvcEI_4


P.P.S : Un nouvel anime pour 2021, haut les cœurs.

Josselin-B
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le 12 janv. 2020

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Josselin Bigaut

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