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Shelter Market
7.3
Shelter Market

BD franco-belge de Chantal Montellier (2017)

Appréciant lire les BD de Chantal Montellier publiées dans les versions oldies de Métal Hurlant, j'ai eu envie de me plonger davantage dans l'univers de cette autrice réputée comme étant la première dessinatrice de BD française.

Et déjà, il me semble déjà important de préciser que Shelter Market est une sorte de refonte de l'un de ses tout premier album, Shelter, parus en 1980. Or, si sur le papier cela pouvait paraître pertinent, en l'état, ça reste très discutable. Pourquoi ? Citons d'abord une partie de la « préface », présent sur le rebat de la première de couverture :

Trente pages de plus, une nouvelle fin, une mise en couleur, un nouveau lettrage, des dessins que je crois bien meilleurs, font de cet album beaucoup plus qu'une nouvelle édition : une véritable re-création.

Concernant les dessins qu'elle croit bien meilleurs, on oublie ici les influences originelles de Montellier, Gould et Tardi notamment, pour se tourner vers un style que je qualifierais d'« art plastique » (ce qui tombe bien, Montellier ayant elle-même enseignée les arts plastiques durant plusieurs années). Il y a des découpages surprenants, des zooms bizarres qui font ressurgir le manque de netteté, les pixels, plusieurs styles différents se côtoient au sein de la même page… il y a un côté « fait sous paint », amateur, en fait, comme si on lisait une BD qui aurait été publié préalablement sur internet durant les années 2000.

Concernant ce qui touche aux modifications effectuées sur le scénario, forcément, n'ayant eu que quelques pages du bouquin original devant les yeux, je vais avoir du mal à comparer. Reste que je peux affirmer une chose : ce n'est pas très subtil. De nombreuses têtes connues font leurs apparitions : que ce soit pour montrer que Montellier les aime bien (Foucault, Rancière, Jérôme Bosch), qu'elle ne les aime pas (Valls présenté comme ce qu'il est, à savoir un fasciste), et d'autres, là pour faire un coucou en passant (pas mal de têtes de chez Métal Hurlant notamment). Bon ça, à la limite, on va dire que c'est juste pour expliciter davantage le propos… même si ce dernier n'en avait pas forcément besoin. Parce que le pire, je crois que c'est Ronald McDonald qui apparait une page sur deux, et qui n'arrête pas de répéter « I'm Happy », le tout saupoudré de la blague « Mc Ron » (vous avez pigé ? Mc Ron, Macron ? On se marre non ?!!!!!), c'en est à se crever les yeux !

Après, le fait que cette version de Shelter Market ait été publiée 3 ans avant le confinement et la Covid 2019, le fait que ça parle de couvre-feu, de contrôle, pourrait presque faire passer cette BD pour prémonitoire… ou un truc conspi'/antivax/boomer avant l'heure. D'un autre côté, entre cette esthétique qui fait très 70-80 par moment, ces flippers rangés les uns à côté des autres, les bornes d'arcade ou encore l'absence de smartphones et GAFAM, difficile ne pas ressentir la datation de l'œuvre originelle.


Je veux bien admettre qu'il y a un auteur derrière, avec des intentions… mais pour le coup, difficile de ne pas comparer le travail effectué sur Shelter avec celui mené par George Lucas sur la trilogie originale Star Wars, et plus particulièrement sur l'épisode IV : avec le Jabba dégueulasse de la version de 1997 et le Greedo shot first. Certes, c'était l'intention de George Lucas, mais était-ce vraiment son intention initiale que de saloper ces deux scènes ? Je tiens à noter, par la même occasion, que la version originale de Shelter a, de facto, elle aussi disparue de la commercialisation.

À noter, enfin, la présence d'une postface… et franchement, je crois que c'est ce que j'ai préféré lire. On y apprend par exemple que l'idée d'un hypermarché faisant office d'abri anti-atomique lui est venue alors qu'elle et son mari de l'époque, Pierre Charras, faisaient leurs courses à Belle Épine, le plus grand centre commercial d'Europe à l'époque, « un enfer de l'hyper-concentration marchande » selon elle.


Bref, j'aimerais toujours lire les vieilles BD de Chantal Montellier, notamment celles publiées dans les vieux Métal Hurlant (de toute façon, je crois que je ne vais plus trop avoir le choix si elle se met à faire la même chose avec l'intégralité de ses BD republiées), dommage juste qu'elle vienne saloper ce qu'elle a fait par le passé plutôt que de créer quelque chose de nouveau, ou à la limite se cantonner à quelques corrections mineures. C'est d'autant plus dommage que s'il s'était révélé plus subtile, le propos politique aurait encore plus fait mouche chez moi, Shelter Market soulignant les méthodes qu'emploient ceux qui ont le pouvoir pour le conserver. Mais plus que tout, je pense forcément à la scène de viol, la violence qui en découle, que ce soit lors de l'instant, ou après coup, face aux « enquêteurs », ainsi que la scène posttraumatique qui survient juste après. En l'occurrence, je crois que la scène en question aurait davantage eu d'impact si les « nouveaux dessins » s'étaient cantonnés à ce passage. J'aurais bien plus accepté l'écart visuel en tous cas.

Quel gâchis !

MacCAM
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Créée

le 26 mai 2025

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MacCAM

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