Silence
7.9
Silence

BD franco-belge de Didier Comès (1980)

Bon, très franchement, en me lançant dans la lecture de Silence, je ne savais absolument pas dans quoi je m’embarquais. Un cadeau, dans lequel je me suis jeté immédiatement ! J’adore ce genre de plongée dans l’inconnue. Mais avec la certitude d’un voyage incroyable, Didier Comès n’étant pas un illustre inconnu dans l’univers de bande-dessinée.


Rien ne semble devoir troubler la vie paisible du petit village de Beausonge. Et pourtant… derrière ce calme apparent se trament d’étranges vengeances. C’est Silence, « l’idiot du village », qui en sera l’instrument. Par lui (ou malgré lui?) s’abattra bientôt sur Beausonge « la Nuit des Sorcières »… Guérisseurs, rebouteux, sorciers et exorcistes n’appartiennent pas, comme le voudrait un certain romantisme triomphant, à une &poque d’obscurantisme révolue. La sorcellerie existe aujourd’hui. Les sorciers sont parmi nous…
C’est cet univers trouble qui a inspiré Didier Comès, un univers qu’il connaît très bien pour habiter lui-même un petit hameau des Ardennes, à la frontière allemande. Avec Silence, il signe son premier « grand roman ».
(Contient les chapitres #1 à 7)


Je vais commencer par les dessins de Didier Comès. Je suis particulièrement friand des dessins en noir et blanc. Je trouve que ce format est propice à amplifier les personnages, leurs émotions, leurs expressions. Et lorsque le trait est aussi fluide et juste que celui de Comès, on se retrouve avec une palette d’expressions faciales assez incroyable.


Autant de personnages apportant quelque chose, même seulement graphiquement, c’est un véritable plus. Nous ne sommes plus sur de la simple bande-dessinée, c’est vraiment un roman graphique qui nous est proposé. Le chapitrage et la quantité de page ne font que confirmer cette impression.


Et l’histoire ? L’intrigue ? Et bien, ouvrir ce livre, plonger dans cette histoire, cela signifie s’embarquer pour un voyage dans la noirceur, dans ce qu’elle a de plus sombre, sans avoir l’espoir de ne pouvoir arrêter notre lecture avant d’avoir atteint la dernière page. C’est aussi simple que cela !


Beausonge. Un petit village perdu dans les Ardennes, qui ne donne pas spécialement envie de s’y arrêter. Ce genre de petit village où nous n’aurions pas envie de nous arrêter en plein cœur de la nuit, et qui donne l’impression qu’un banc de brouillard y a élu domicile pour la vie. C’est au cœur de ce village que l’on découvre Silence, le « héros » de notre histoire. Un bien curieux surnom pour un homme, mais qui s’explique rapidement de par son mutisme.


Silence est pur ! Pur et innocent. Il n’y a pas de meilleurs mots pour le définir. Doux, généreux, gentil comme personne, Silence ne semble pas être capable de ressentir des choses aussi néfastes et viles que la colère ou la haine.


Une particularité sur laquelle son « maître » Abel Mauvy n’hésite pas à appuyer, à user. Tout l’opposé de Silence, Abel Mauvy est méchant, violent, détestable. Un conglomérat de tout ce qu’il y a de pire chez l’homme. Il fait travailler Silence comme un véritable esclave, à le « prêter » tout en se moquant de lui, en l’humiliant. Mais tout cela ne semble pas atteindre Silence.


L’homme muet préfère « communier » avec la nature, les animaux, en plein coeur de la forêt qu’il aime tant. Et lorsque l’on voit comment Silence est traité, on comprend aisément pourquoi il se détourne de l’Homme. Silence vit sa vie sans se plaindre. Mais sa vie va prendre un tournant totalement différent lorsque un vent de vérité s’abat sur Beausonge.


Une vérité qui va principalement se concentrer sur un personnage, Silence, et sur le secret de ses tragiques origines, mais qui va mettre en lumière deux personnages, la Sorcière (qui va ouvrir les yeux de Silence tant bien que mal) et la Mouche, le rebouteux du village (qui va tout faire pour les lui refermer). Une confrontation entre deux personnages totalement différents mais qui font écho à la sorcellerie et a tout le folklore que l’on pouvait lui rattacher à l’époque. Il est amusant de voir, d’ailleurs, à quel point ces personnages sont réalistes alors qu’ils représentent des choses surnaturels.


Comme je le dis plus haut, Silence est un voyage. Un voyage sombre, un voyage qui marque, un voyage qui bouleverse, mais un voyage dont on n’arrive pas à dévier tant Didier Comès est arrivé à insuffler une ambiance oppressante, enivrante, incroyable. Que ce soit par les dessins, les dialogues, l’intrigue ou les révélations.


Bref, Silence est un incroyable coup de cœur, une lecture passionnante ! Le genre de roman-graphique qui pousse à retourner lire un artiste.

Romain_Bouvet
8
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Créée

le 17 mars 2022

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Romain Bouvet

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