Entre des souvenirs lointains et le présent d’une rencontre. Un manga one-shot aux dessins travaillés et à l’histoire intrigante.
Février 1967 au Japon, un jeune homme livre ses pensées. Il embarque à bord du ferry après un voyage d’errance destiné à oublier une rupture. Fan de livres de science-fiction, timide et étourdi, le garçon multiplie les déceptions amoureuses. Mais à bord de ce ferry il rencontre une fille qui subit une déconvenue bien plus grande. Emanon, l’anagramme de « No name », voici le seul nom que cette jeune fille donne au jeune homme. De longs cheveux, des taches de rousseur, un sac à dos et des cigarettes. « Il parait que ce n’est pas bon pour la mémoire. », dit le jeune homme à Emanon, après en avoir accepté une. Mais cette jeune fille intrigante ne rêve que de ça, perdre sa mémoire. Une mémoire vieille de 3 milliards d’année…
Il est tentant de douter de cette histoire fantasque que lui raconte Emanon. Le lecteur se trouve rapidement partagé, comme notre héros, entre l’envie de la croire et le doute. Une mythomane ou un être unique ? Ce qui est sûr, c’est que cette histoire apporte des réflexions captivantes sur le rôle de la mémoire et l’évolution de l’homme. Le poids et la mélancolie qui règnent sur l’esprit de la jeune femme sont contagieux. Le récit alterne de case en case entre le présent et les souvenirs des deux personnages. Certaines cases nous plongent dans les pensées des personnages, au fil de leurs conversations. Une grande place est laissée aux silences, avec des doubles pages entièrement consacrées aux dessins sans mots, qui laissent se déployer l’interprétation du lecteur. Le récit a un rythme rapide et ne laisse pas de fin ouverte, ce qui pourrait en frustrer certains, mais l’atmosphère poétique et contemplative contrebalance efficacement cela.
Les traits du mangaka, Kenji Tsuruta, sont fins, souples et précis, avec un souci du détail omniprésent. Le dessinateur transpose la nouvelle de Shinji Kajio tout en lui apportant un univers graphique remarquable et unique. Une multiplication d’hachures, de traits fins, de matières différentes et de plis. Un style travaillé dans des cases de toutes tailles, souvent grandes et bien agencées. Tsuruta a pris pas moins de quatre années pour réaliser ce one-shot, une production certes lente mais réussie.
Le format de ce manga est plus grand que le format classique d’un manga et permet un confort de lecture appréciable. Le début et la fin du livre contiennent des pages couleurs plus travaillées encore, magnifiques par leurs traits, leurs détails et le choix des couleurs. Ces pages peuvent aisément faire penser à des peintures.
Il est presque regrettable que l’entièreté du manga ne soit pas colorisée, même si le livre garde de ce fait un prix abordable.

Enborddepage
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le 30 mars 2018

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