Face à nous-mêmes

Spirale, c'est d'abord des dessins effroyablement angoissants, qui créent un véritable malaise. Une mine d'or pour les amateurs d'imagerie laide et gore.

C'est ensuite une histoire assez singulière d'une descente aux enfers dans une petite ville sans histoire, où chacun va se mettre à tourner en roue libre jusqu'au bout de son propre délire.

C'est peut-être l'un des points faibles de l'histoire : chaque nouveau pallier franchi est pris comme si de rien n'était par les personnages, et l'histoire suit un fil qui n'avance que vers sa résolution, sans que le passé, ou les liens entre les gens n'aient de sens réel (et c'est peut-être un parti pris narratif formel, au plus proche de la spirale). Les considérations sur l'appétit de l'homme sont parfois un peu grossières.

Même si l'on ne saura pas tout (et cela aurait été dommage), le manga offre une vision fascinante de la manière par laquelle nos aspirations, quel qu'en soit l'objet réel, reposent sur la même force auto-destructrice qui nous replie sur nous mêmes. La spirale est l'aboutissement presque sexuel de son rêve le plus profond (que ce soit en établissant une collection, en souhaitant revenir dans l'utérus maternel - scène particulièrement folle - ou de quitter simplement un monde fait pour nous aspirer, et dont le moteur antique semble toujours tourner sur ce motif). Ne reste plus comme possibilité que de devenir prédateur ou larve, en fonction de ce que cette énergie qui nous anime (ou nous domine ?) décide pour nous de la place que l'on doit occuper dans l'échiquier social.

Il serait peut-être intéressant de relire Spirale sur le fond du film Pi, de Aronofsky, qui explore aussi l'obsession éternelle pour ces formes et forces motrices qui tiennent l'univers et nos obsessions, au point de ne plus savoir laquelle a engendré qui. (Peut-être davantage que par la lecture marxiste qui force le trait et que l'on peut lire dans un petit essai disponible à la fin de l'édition intégrale récente)