À lire en complément de ma critique de Jojo's Bizarre Adventure.



Dispensez-vous à tout prix de la lecture de cette critique si vous n'avez pas - mécréants que vous êtes - pris la peine d'achever de lire Stone Ocean. Ou alors, passez outre mon avertissement à vos risques et périls, mais gardez en tête que la balise «Spoiler» ne vous sera ici d'aucun secours afin de ménager votre intempérance. Tenez-le-vous pour dit, aucun regret ne vous sera permis.


Car oui, cassure il y a eu à un moment donné. Ce long fleuve tranquille - quoique tumultueux par endroits - d'une croisade devenue croisière aura vu son récit radicalement chamboulé par la conclusion de la sixième partie de Jojo's Bizarre Adventure. Personne ne pourra dire qu'il l'aura vue venir si ce n'est son auteur.


Un renouveau, Steel Ball Run l'est à plusieurs titre. La lignée Joestar dont l'arbre généalogique s'était perdu en de multiples branches fournies retourne à ses racines. À force de se projeter dans un futur incertain de partie en partie, Araki aura préféré rétro-pédaler pour ce qui est de la chronologie et renouer avec le dix-neuvième siècle. Le renouveau est ici littéral. Mais Steel Ball Run marque aussi la promotion de Jojo's Bizarre Adventure au rang de quasi-Seinen puisque son rythme de parution se veut maintenant mensuel. Les dessins y gagnent en superbe ; une superbe qui ne manquera pas d'être graduellement ternie dans la partie qui lui succédera. Même le pouvoir de l'onde nous parviendra à nouveau sous un avatar vaguement différent ; Araki renouvelle autant qu'il remémore ; Jojo's Bizarre Adventure ne fait sécession de ce qu'il était que pour renouer avec ce qu'il fut.
Steel Ball Run n'est ni plus ni moins que le point culminant de Jojo's Bizarre Adventure. À en juger par ce qui suivra, je jurerais que son auteur aura tout donné de son être pour finalement s'affaisser brutalement suite à sa conclusion. Après le bouquet final de cette septième partie, les feux d'artifice qui auront perduré ne nous apparaîtront plus que comme des pétards mouillés en comparaison.


Nous renouons avec une temporalité, pas une géographie. La Grande-Bretagne fait place au Grand Ouest. Cette sophistication de la noblesse d'alors s'incline devant les rustres et les vermines. Point de Shônen ici alors que les vertueux sauveteurs de damoiselle en détresse ne sont plus que des mercenaires brisés galopant après cinquante millions de dollars. Araki n'aura jamais cherché à cacher les références cinématographiques dont ils s'inspirait et pour cause, il les sublimait à chaque fois. On jurerait qu'il corrige les défauts et parachève La Chevauchée Sauvage de Richard Brooks. Car oui, cette bête idée de course de chevaux est le plus fabuleux prétexte à l'aventure jamais trouvé dans un Shônen. L'itinéraire a beau en être tracé d'avance, ni ses escales et encore moins son issue ne relèveront du prévisible.


Un Zeppeli ici supplante un Joestar. Héros officiel ou officieux de cette partie, Gyro Zeppeli brise une tradition dans cet univers parallèle ; et qui se trouvera pour lui en tenir rigueur ? Le Joestar aura bien entendu le dernier mot car il faut bien justifier le titre du manga.


Peut-être aurons-nous eu ici les batailles de stands les plus intenses de ce que son auteur aura jamais pu prodiguer. Les concepts de ses stands s'affûtaient et s'affinaient les arcs passants. Si les stands aux pouvoirs rudimentaires - bien qu'appréciables - de Stardust Crusaders avaient été la version alpha de ce que les stands avaient à nous proposer, ceux de Steel Ball Run en étaient la version finale, la plus aboutie qui fut et qui jamais ne saurait être dépassée.
Les ennemis, autrefois quelconques et éphémères outre exceptions notables, marquent de leur empreinte un lecteur qui ne les a pas vu venir et qui se les est pris en pleine gueule. Un Ringo Roadagain - unique antagoniste secondaire à bénéficier d'un pouvoir temporel - est une escale imprévue et sidérante sur le parcours de Gyro et Johnny. Il est des divines surprises que l'on n'oserait même espérer attendre, il fut l'une d'elles.
La mise en scène aura elle aussi été peaufinée à l'extrême. Le cadrage, l'intensité... même le cinéma n'offre pas ce qu'on a lu ici. On en prend plein les yeux mais on ne clignerait les paupières pour rien au monde de peur de rater ne serait-ce qu'une seule case. Steel Ball Run saura mieux tenir en haleine que les parties précédentes qui, pourtant, en la matière, étaient déjà des références toutes trouvées quand il était question de dispenser de l'acmé à foison et sans halte. La puissance du récit et de sa scénographie vous ôteront le souffle ; une lecture de Steel Ball Run se termine en réanimation, assurez-vous qu'il y ait des places disponibles avant de l'entamer.


Mais Steel Ball Run est aussi une escale de la course Jojo's Bizarre Adventure dont les tenants sont apparemment inaliénables pour le meilleur, mais pas seulement. L'absence de motivation crédible de Funny Valentine (cet homme veut mettre des couverts, rappelons-le), une histoire christique invraisemblable où le blasphème involontaire se mêle à un sens de la démesure typiquement nippon, des antagonistes qui ne sont hélas pas tous des monuments de charisme, pas plus que des protagonistes eux, éphémères pour beaucoup, limitant la troupe à deux personnages principaux seulement.... tout cela et d'autres menus détails saliront l'immaculé. Il n'y a pas de quoi s'y attarder, mais ça se voit. Ça se voit même de trop. le contraste avec l'illustre qualité du récit est même si évident qu'on ne voit que ça par moments. L'intrigue Lucy Steele aura en ce qui la concerne méchamment entamé le rythme de l'intrigue ainsi que son avancée.


Pour autant, il n'y aura pas de quoi véritablement bouder son plaisir. Les dessins sont somptueux, les batailles prenantes - à l'exception de Civil War - et le long et tortueux combat final se contorsionnera en autant de détours inestimables qu'il soit permis d'espérer... jusqu'à même littéralement concilier avec un succès mythique qui vous prendra au dépourvu. Il y a de la surprise dans la surprise ; comme une tête nucléaire cachée sous une mine anti-personnelles.


La meilleure partie ? Je n'ose pas trancher. Une partie à part en tout cas, une qui vaut la peine d'être lue nonobstant le fait que vous ayez lu ou non le reste de Jojo's Bizarre Adventure. Une graine aura chuté de l'arbre Joestar pour faire une nouvelle souche. Ses racines étaient solides, son tronc s'élevait par-delà les cieux mais... quand vint le temps de germer et que Jojolion succéda alors à Steel Ball Run, l'arbre ne donna plus que des fruits pourris.
Araki au faîte de son génie, l'apothéose de sa créativité, elle se joue ici.

Josselin-B
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le 19 août 2020

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Josselin Bigaut

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