Ce tome fait suite à Trial by fire (épisodes 1 à 8, Secret origins 14) qu'il vaut mieux avoir lu avant. Il comprend les épisodes 9 à 16, ainsi que l'épisode 13 de Justice League International, l'épisode spécial Doom Patrol/Suicide Squad, et la moitié de Secret Origins 28 (celle consacrée à Nightshade), initialement parus en 1988. John Ostrander a écrit les 8 épisodes de Suicide Squad, et coécrit le crossover de la Doom Patrol avec Paul Kupperberg. L'épisode de la JLI a été écrit par Keith Giffen, avec des dialogues de John-Marc DeMatteis. Luke Mc Donnell a dessiné les épisodes de Suicide Squad, avec un encrage de Bob Lewis sauf pour les épisodes 14 (encré par McDonnell lui-même) et 16 (encré par Malcolm Jones III).
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- Épisode 9 (crossover avec l'événement Millenium - Trust no one de Steve Englehart & Joe Staton) - Le suicide Squad essaye d'infiltrer sa propre base (la prison Belle-Reve) pour la détruire et emporter ainsi un maximum de Manhunters. Ils sont aidés par Captain Atom (Nathaniel Adam) et Privateer (Mark Shaw).
C'est très mauvais. Luke McDonnell n'arrive pas à donner une géométrie compréhensible et cohérente à la prison. Les membres du Suicide Squad n'arrêtent pas de parler entre eux, avec une efficacité proche de zéro. La série est interrompue de force par cet événement généralisé sans rapport avec le Suicide Squad. La mort débile d'un des membres n'arrange rien.
Épisode 10 - Le Père Richard Craemer (prêtre protestant) prend ses quartiers à Belle-Reve. Amanda Waller (la responsable du Suicide Squad devant le président des États-Unis) se demande qui peut bien être Duchess, une femme dotée de superpouvoirs sans souvenirs de qui elle est. Batman a décidé d'enquêter à Belle-Reve en se faisant emprisonner sous l'identité de Matches Malone.
John Ostrander retrouve la voix de la série, assez noire, avec une forme de désespoir et de résignation devant les coups du sort. Il sait faire monter la tension en montrant que personne ne maîtrise vraiment la situation, que ce soit la présence inexplicable de Duchess, ou la présence indésirable de Batman. Le face-à-face entre ce dernier et Amanda Waller constitue un grand moment de dialogue, et une confrontation de volonté frontale et brutale. Les dessins de McDonnell sont secs à souhait, pas très jolis, entièrement en phase avec la nature du récit.
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- Doom Patrol / Suicide Squad (45 pages, dessins d'Erik Larsen, encrage de Bob Lewis) - Par un concours de circonstance, le Suicide Squad et la Doom Patrol se rendent au Nicaragua (sans avoir connaissance des agissements de l'autre équipe) pour libérer Hawk (Hank Hall). Arrivés sur place, les 2 équipes se battent entre elles, incapables de trouver un terrain d'entente.
C'est mauvais, c'est très mauvais, c'est quasiment illisible. Le lecteur de la série Suicide Squad identifie les quelques idées d'Ostrander qui sont noyées dans une narration aussi délayée que possible, avec des dessins incapables de dépasser l'échange de coups de poing, incapables de donner une idée (même vague) de la topographie des lieux. C'est idiot et inutile du début jusqu'à la fin, du remplissage pour vendre du papier.
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- Épisodes 11 & 12 - Lors d'une séance photo, le mannequin Mari Macabe (Vixen) est la seule rescapée, alors que l'équipe technique et les autres mannequins ont été massacrés à la mitraillette. Elle demande l'aide du Suicide Squad pour se venger. Leur mission : abattre un narcotrafiquant colombien et détruire ses stocks de poudre blanche.
Quel soulagement ! Après l'horreur abyssale du crossover avec la Doom Patrol, ça fait du bien de retrouver un scénario matois, sadique et malin. John Ostrander pioche dans l'actualité de l'époque pour mitonner une mission bien délicate, où tout ce qui peut foirer va foirer. Il pioche dans l'univers partagé DC pour ramener une héroïne de second plan (Vixen), assez amère sur la manière dont l'incarnation de la Justice League à laquelle elle a participé a été tournée en dérision (la Justice League de Détroit), en respectant son histoire personnelle. Il introduit un autre superhéros, Speedy (Roy Harper), ridicule dans son costume rouge et son chapeau jaune, mais cynique comme il faut. Il brode sur l'actualité de l'époque avec le trafic de drogue organisé, évoquant la puissance du cartel de Medellín.
Le scénariste divertit le lecteur avec les entourloupes de Captain Boomerang (George Harkness), individu amoral, grossier et égocentrique. Il montre comment même les plans les mieux préparés peuvent déraper à cause de peu de choses. Il met en évidence que la violence affecte ceux qui la subissent, mais aussi ceux qui la commettent. Il met en évidence que la pression entraîne les individus à accomplir des actes qu'ils ne feraient pas en temps normal.
Luke McDonnell réussit à s'émanciper pour partie des codes propres aux comics de superhéros. Il ne peut faire autrement que de reprendre les costumes très superhéros des personnages, induisant parfois un décalage trop important avec la nature très réaliste du récit. Difficile de prendre Black Orchid au sérieux dans son joli costume rose, ou de croire que Rick Flagg continue de porter un teeshirt jaune vif pour des missions d'infiltration. Il faut dire que Carl Gafford utilise parfois des couleurs vraiment vives et claires. Par contre, il montre les personnages dans des postures adultes et mesurées dès qu'ils sont en civil. Avec les dialogues un peu cyniques et désabusés de John Ostrander, l'artiste dépeint des individus conscients d'eux-mêmes et cyniques, très adultes dans leur comportement.
McDonnell gère mieux la disposition spatiale des différents lieux. Il s'investit pour créer des tenues différentes pour chaque protagoniste (avec la référence au soutien-gorge sans bretelle de Macabe). Il fait un petit effort pour inclure des ameublements de nature différente suivant les lieux, même s'ils sont dessinés de manière un peu trop simplifiée. Par contre, il n'arrive pas à rendre crédible l'affrontement entre l'hélicoptère et les avions de chasse (il faut dire que l'idée n'était pas forcément lumineuse).
Avec ces 2 épisodes, le niveau de ce tome remonte sensiblement avec une intrigue enracinée dans la réalité de l'époque, une narration sèche et cassante, avec des dessins qui portent la narration, sans trop la dénaturer.
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- Épisodes 13 (celui de la JLI dessiné par Keith Giffen, avec un encrage de d'Al Gordon, et celui du Suicide Squad) - Les 2 équipes sont envoyées par des biais différents en URSS pour délivrer Nemesis (Tom Tresser). À nouveau (comme pour la Doom Patrol), elles ont des méthodes différentes qui les contraignent à s'affronter, alors que l'armée soviétique se rapproche, ainsi qu'une escadrille de Rocket Red.
C'est l'épisode de la JLI qui ouvre le bal. Le ton est tout de suite plus aux superhéros, avec des dessins bien mangés d'ombre de Keith Giffen. Le découpage est sec et cassant, montrant bien que Batman va profiter de l'occasion pour écraser cet escadron de tueurs. Giffen (en tant que scénariste) s'en sort 100 fois mieux que Kupperberg avec sa Doom Patrol. DeMatteis mitonne des dialogues aux petits oignons, avec des réparties moqueuses qui font mouche à chaque fois, un petit délice qui rappelle à quel point cette incarnation de la Justice League valait son pesant de cacahuètes (Justice League International).
Avec l'épisode 13 du Suicide Squad, il y a moins d'humour, plus de testostérone, et à nouveau un soupçon de critique politique sur le traitement des dissidents, mais aussi sur l'interventionnisme. Les dessins de Luke McDonnell sont raccords avec ceux de Giffen en termes de noirceur, et conservent cette ambiance entre superhéros traditionnels et criminels endurcis. Il s'amuse comme un petit fou pour représenter l'affrontement physique entre Batman et Rick Flagg.
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- Secret Origins 28 (19 pages, scénario de Robert Greenberger, dessins de Rob Liefeld, encrage de Bob Lewis) ' Avant une mission cruciale, Eve Eden (Nightshade) confie son histoire personnelle au Père Richard Craemer.
Le scénariste hérite de la tâche peu enviable d'effectuer une synthèse de l'histoire personnelle du personnage Nightshade en un petit épisode. Il reprend le dispositif de la confidence au prêtre, contexte propice à ces rappels, sans réussir à transformer cette litanie de souvenirs en une réelle histoire. Contre toute attente, il parvient à donner une certaine forme de cohérence à la vie de Nightshade qui inclut une histoire de princesse et un royaume magique.
Il s'agit d'un travail de jeunesse de Rob Liefeld, dans lequel il dessinait encore les pieds de ses personnages en rapport avec les lois de la perspective et la morphologie humaine. Par contre, quelques perspectives semblent très forcées.
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- Épisodes 14 à 16 ' Amanda Waller tient sa promesse : elle autorise Nightshade (Eve Eden) à composer sa propre équipe pour aller sauver son frère dans une dimension magique.
Comme il avait été indiqué depuis plusieurs épisodes, Eve Eden peut enfin bénéficier de l'aide du Suicide Squad pour effectuer sa propre mission personnelle. Tout n'est pas rose au pays magique, et John Ostrander s'éloigne de plusieurs degrés du réalisme qui prévalait dans les meilleurs épisodes, pour une version légère de politique fiction, assez vite vidée de sa substance, pour ne plus laisser subsister que les grosses ficelles. Il reste de l'action bien menée, avec des dessins compétents de McDonnell qui s'économise sur les décors, et Captain Boomerang qui vomit à plusieurs reprises pour un effet comique réussi. Ostrander utilise les 2 tiers du dernier épisode pour revenir sur l'histoire personnelle de Shade (voir The Steve Ditko Omnibus Vol. 1 ) de manière un peu pesante.
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- Au final, ce tome recèle son lot d'épisodes corsés, avec le cynisme adulte et calculateur propre à cet escadron de repris de justice, ainsi que quelques épisodes plus moyen, et un particulièrement illisible tirant à la ligne pour remplir les pages avec des dessins peu intéressants (le crossover avec la Doom Patrol). 4 étoiles pour les missions bien tordues du Suicide Squad : l'infiltration de Batman dans Belle Reve, la lutte contre le cartel de Medellín, la rencontre avec la JLI, le début de la mission de la dimension de Nightshade.