Je continue aujourd’hui mon odyssée Superman avec l’étape Pour Demain. Si je ne suis pas spécialement enchanté à l’idée de me taper plus de trois cents pages de Jim Lee, l’idée de lire Brian Azzarello et son talent pour travailler les personnages dans leurs profondeurs m’enchante beaucoup plus. Même si je dois bien avouer ma surprise de le voir, lui, habitué des histoires sombres et noires (100 Bullets), s’attaquer à un monument comme Superman. Mais c’est ce qui fait la force du comics, les possibilités infinies qui s’offrent à nous !

En 24 heures, un million de personnes ont disparu sans laisser de traces : parmi elles, Lois Lane, la femme de Superman, le protecteur de la planète Terre. Quelle est sa part de responsabilité dans cet événement Quelle conséquence cette absence aura-t-elle sur le moral et la volonté du héros ? Un homme d’acier peut-il être brisé ? (contient Absolute Superman : For Tomorrow)

Au nez et à la barbe de Superman, un million de personnes ont disparu de la surface de la Terre. Dont sa chère et tendre Lois Lane. Et notre super-héros va alors s’interroger sur l’utilité de sauver des hommes qui n’ont de cesse de s’entre-tuer. Oui, sous la plume de Brian Azzarello notre Superman perd sa foi en l’humanité. Il ne croit plus en l’Homme ! Il va alors passer beaucoup de temps avec le père Leone. Avec qui il va pouvoir se laisser aller aux confidences mais aussi et surtout aux doutes qu’il porte à l’humanité dorénavant.
Au gré de leurs conversations Superman en vient à retrouver la foi, non pas en l’Homme, mais en lui-même. Le « Super » va prendre le pas sur le « man ». Et nous nous retrouvons avec un Superman se donnant un statut quasiment de dieu vivant devant sauver l’homme de lui-même. Allant même jusqu’à créer son paradis !...

Et l’on peut s’interroger grâce au récit d’Azzarello, si un super-héros, même animé des meilleurs intentions du monde, a le droit de se prendre pour un dieu ! A-t-il le droit, sous couvert de vouloir nous protéger, nous sauver, de prendre des décisions à notre place ? Vouloir changer notre mode de vie c’est autre chose que d’arrêter un méchant ou de nous empêcher de passer sous un bus. Quand on commence à se permettre ce genre de choses, de passer outre le libre-arbitre des gens, parce qu’on en a le pouvoir, cela mène au despotisme !
Si on ne peut concevoir Superman prendre ce chemin, et surtout l’accepter, on peut comprendre qu’après autant d’années passées à nous sauver, à faire le bien, et voir que les hommes continuent de s’entretuer, une lassitude certaine et pesante s’installe.

Pour l’empêcher de totalement s’envoler vers un statut divin, Azzarello lui oppose donc le père Leone, personnage fascinant, en fin de vie à cause d’un cancer et qui, lui, garde la foi en ses congénères et fait en sorte de ramener Superman dans cette optique. Il est amusant d’ailleurs de voir que si Superman tend à aller vers le divin, il choisit un homme d’église en fin de vie pour être certain, de façon tragico-égoïste, que ce qu’il lui confie ne soit jamais dévoilé, ce qui reste un sentiment terriblement humain. Tout n’est pas perdu.
Azzarello lui oppose également un nouvel ennemi avec Monsieur Orr. Un mercenaire sans scrupule et sans morale, travaillant pour des gens préférant rester dans l’ombre.

Deux personnages forts intéressants pour ne pas dire passionnants. Et leurs interactions avec Superman fonctionnent à merveille, surtout pour le père Leone. D’ailleurs toute cette histoire se veut savoureuse et nous menant à nous interroger. Malheureusement, une fois la première moitié du volume passée, le récit ne fait que sombrer lentement mais inlassablement. La fin de l’histoire de Brian Azzarello est plus proche de la science-fiction qu’autre chose. Et force est de constater que ce genre n’est pas la plus adaptée à notre auteur. Plus on s’approche de la fin, plus on a l’impression de lire un travail bâclé. Le summum étant atteint avec les deux personnages si prometteurs que sont Leone et Orr. Le père ayant le droit à un traitement purement scandaleux alors que le mercenaire est simplement non traité.
Notons également que l’histoire est ponctuée de pas mal de choses dont on se demande pourquoi au début mais également à la fin de leurs apparitions. L’exemple le plus flagrant étant Halcyon et ses géants.

Néanmoins cela reste une lecture intéressante et une sorte de renaissance pour Superman après la remise en question. Et au milieu des questions qu’Azzarello nous pousse à nous poser nous avons le droit à notre lot de scènes fortes.

Et je dois bien reconnaitre, même si tout n’est pas parfait, loin de là, que Jim Lee n’est pas étranger au charisme et à la grandeur de certaines scènes. Je reconnais même avoir apprécié un chapitre du début à la fin, au niveau du dessin. Lors du combat entre Superman et Wonder Woman dans la Forteresse de Solitude. Sa Wonder Woman est superbe tout simplement, comme je me la représente, belle, forte, charismatique, en pleine force de l’âge, un corps à damner capable de nous broyer. Et l’on ressent avec justesse la puissance, la pression qui se dégage de ces deux personnages lorsqu’ils s’affrontent.
Après si cela reste, sans doute, le travail que j’apprécie le plus de l’artiste, ce n’est pas pour autant que je change mon fusil d’épaule. Si Wonder Woman se doit d’être magnifique, Superman aussi puissant, ce n’est pas le cas des autres humains de la planète, hors les gens au physique imparfait, les maigres, les obèses, les difformes et j’en passe n’existent pas avec Jim Lee. Il n’y a que des êtres parfaits, tout le monde est beau et tout le monde se ressemble surtout. Le père Leone et Monsieur Orr se sont les mêmes personnages à qui Jim Lee change la coupe de cheveux et rajoute une moustache. Tous les hommes sont munis de pectoraux en acier trempé, toutes les femmes ont une taille de guêpe et de beaux ballons de hand en guise de poitrine. Aucune variété, aucune diversité dans l’anatomie des personnages de la part de Jim Lee, on voit toujours les mêmes choses, c’est dommage, car on voit le talent pourtant.
Notons son excellent travail, pour nous représenter un Superman divin pour ne pas dire l’égal du Christ sur certaines planches.

Bref, un excellent point de réflexion, une histoire vraiment plaisante à lire, des personnages intéressants, malheureusement une fin absolument pas au niveau et qui empêche à ce titre d’être un must have. Vraiment dommage, car avec un tel début on était en droit de s’attendre à une autre fin. Cela reste néanmoins une bonne lecture, permettant à Superman de faire une introspection et de nous offrir, à nous lecteur, une nouvelle vision de notre super-héros iconique !
Romain_Bouvet
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Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Urban Comics est un ennemi de mon banquier!

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le 14 juil. 2014

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Romain Bouvet

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