A 40 ans à peine, le Canadien Jeff Lemire a déjà une place à part dans le cœur des amateurs de comics. Si son trait ne fait pas toujours l'unanimité, ses scénarios à la fois sombres et profondément humanistes lui ont valu le surnom de "Stephen King du comics" par le magazine Maclean's. Les deux premiers (sur quatre) épais tomes de sa série Sweet Tooth – intégralement publiée aux Etats-Unis entre 2009 et 2013 – sont enfin disponibles en France dans la collection Vertigo chez Urban Comics. L'occasion de découvrir sa première vraie œuvre personnelle qui contient déjà toutes ses obsessions qui gravitent autour de l'enfance et de la solitude. Un récit captivant.


De quoi ça parle ?


Gus, un garçon de neuf ans, n'est pas vraiment comme les autres. Elevé en secret par son père dans une épaisse forêt du Nebraska (Etats-Unis), Gus est un enfant mi-humain, mi-animal. Avec ses bois dressés sur la tête, il appartient à une drôle d’espèce hybride apparue depuis qu’une pandémie a décimé la majeure partie de la population humaine dix ans auparavant.


Et quand l'homme qui l'a élevé finit lui aussi par succomber à cette étrange maladie, Gus, livré à lui-même avec pour seul bagage sa gentillesse et sa naïveté, quitte enfin la forêt dans laquelle il était confiné. A travers ses grands yeux apeurés, il découvre un monde ultra violent dirigé par des humains hostiles et brutaux, avant d'être recueilli par Jepperd alias "Le grand costaud", un survivaliste un poil rustre qui n'est pas aussi bon qu'il le prétend. Y a-t-il un avenir pour le jeune Gus et les autres enfants-animaux dans cet univers post-apocalyptique ? Et si Gus était la clé permettant de comprendre comment le monde s'est effondré ?


Pourquoi j'adore ?


Parce que Jeff Lemire (Trillium, Descender) signe ici son œuvre la plus intime, mais également la plus pessimiste. “Dans la plupart de mes histoires, il y a des enfants innocents menacés par un monde et des adultes hostiles… Un thème récurrent, c'est vrai, mais que je ne veux pas trop analyser, j'ai peur sinon de le perdre” confie le scénariste et dessinateur canadien à Télérama. Et même si Gus va de désillusion en désillusion, confronté au fil de ses rencontres au pire de l'espèce humaine, on ne peut cesser d'espérer tant son personnage transpire la bonté.


Car hormis les barres chocolatées qu'il adore (qui lui valent son surnom de "Gueule sucrée" ou "Sweet Tooth" en VO), le pauvre Gus n'a pas beaucoup de réconfort. Adoptant un style graphique qui s'inspire des mangas, Lemire multiplie les gros plans sur les yeux pleins de larmes de Gus, confronté à la perversité humaine. Impossible de ne pas vivre la douleur de cet enfant en marge, soumis à la violence du monde, tant Lemire excelle dans la narration et sa représentation des sentiments. Ne soyez pas surpris si quelques larmes coulent le long de vos joues, vous êtes juste l'être que Gus attend de rencontrer.


C’est pour vous si…


Vous aimez les ambiances post-apocalyptiques bien plombantes façon The Walking Dead de Robert Kirkman ou dans un tout autre style, Ravage de René Barjavel. Vous avez adoré "la puissance et l'émotion" de l'épopée culte de Cormack McCarthy racontée dans La Route et dont Lemire avoue s'être inspiré pour le duo Gus/Jepperd. Et évidemment, si vous aimez le trait très particulier de Jeff Lemire, que d'autres n'hésiteront pas à qualifier de moche.


Critique publiée sur le blog Pop Up'.

Elodie_Drouard
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le 16 août 2016

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Elodie Nelson

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