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L’apocalypse terrestre a eu lieu, et les « amis » de Walter continuent à s’interroger. Pourquoi celui-ci les avaient-ils sélectionnés pour les mettre à l’abri dans ce luxueux sanctuaire coupé d’un monde en train d’agoniser ? Peu à peu, les indices sont apparus et quelques réponses distillées au fil du récit sur les raisons de leur présence.

Le plan était préparé depuis longtemps, et le groupe avait été choisi parce qu’il représentait « un échantillon stable de la population humaine ». De plus, leur nouveau statut leur conférait l’immortalité, suicide ou meurtre n’étant plus une option au cas où les choses tourneraient mal… Walter n’est donc pas humain, on l’aura vite compris, pas non plus un extra-terrestre, mais « quelque chose d’autre, difficile à décrire » dans une « langue ne [disposant] pas des mots adéquats ». Des révélations « flippantes », qui ne font que renforcer un peu plus le mystère de l’intrigue…

Et c’est pour ce mystère même que l’on est indiscutablement happé par cette histoire. « The Nice House on the lake », c’est du lourd assurément, avec cette grosse et vieille question métaphysique à la clé, revisitée à l’aune des évolutions technologiques : qui sommes-nous et qui nous a créés ? Ne serions-nous que des créatures modélisées et programmables selon les désirs de nos démiurges ? Une question qui, à l’heure où l’intelligence artificielle est en train de coloniser et chambouler fondamentalement notre univers familier, se fait de plus en plus prégnante, à l’instar du livre d’Hervé Le Tellier, « L’Anomalie », qui évoque un événement « quantique » remettant en cause notre existence réelle et interroge la possibilité selon laquelle les êtres humains ne seraient que des « simulations ».

Des questionnements extrêmement passionnants qui font le sel de cet ambitieux diptyque, du lourd donc, et c’est aussi un peu le revers de la médaille, le terme pouvant s’appliquer à la narration. Car au-delà du fond, le scénariste James Tynion IV a produit quelque chose d’assez touffu dans la forme, en intégrant mille intrications psychologiques entre les différents personnages en rapport avec la notion d’amitié, à savoir : une amitié authentique en apparence, en l’occurrence celle de Walter, ne pourrait-elle être sous-tendue que par le calcul et la manipulation ? De quoi devenir réellement parano, même si Walter, lui, semble très sincère… Bref, il faut bien reconnaître que la fluidité fait quelque peu défaut à la narration, même si l’on espérait après lecture du premier tome qu’il en soit autrement.

Là où le bât blesse peut-être, c’est le fait que le récit soit encombré d’un trop grand nombre de personnages. A titre personnel, hormis Walter et deux ou trois protagonistes (Norah et Reg, Ryan à la limite…), j’ai eu quelques difficultés à distinguer les autres membres du groupe, qui n’ont pas une personnalité des plus marquantes, et leur représentation n’y contribue guère. Certes, Alvaro Martinez possède un trait assuré même s’il s’inscrit dans un certain académisme, mais l’aspect imprécis des expressions nuit à leur identification, obligeant souvent à un retour vers les premières pages du tome 1, où de petites fiches sont apposées à côté de chaque personnage. Si l’on parvient à faire abstraction de cela, on pourra apprécier sa trouvaille « baconienne » visant à faire ressortir l’étrangeté extra-humaine de Walter, mais aussi la puissance visuelle de son dessin et de la mise en page associée.

Ce second volet de « The Nice House on the lake » se termine sur un coup de théâtre dont on ne révélera évidemment rien, mais ouvre la perspective d’un nouveau cycle. Malgré les bémols évoqués plus haut, on se dit qu’on aura FORCEMENT envie de le découvrir. Et c’est sans doute dans ce constat — le lecteur est bel et bien piégé dans cette « jolie maison » — que se tient la réussite des auteurs et la force de cette œuvre, qui incontestablement aura marqué l’année de son empreinte.


LaurentProudhon
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le 3 mai 2024

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