J'avais lu ce comics en 2021. Nous étions encore en période covid, les événements du capitole avaient eu lieu, et j'avais accueilli avec joie le dernier bébé en date d'un des plus grands scénaristes de la bande dessinée américaine. J'avais eu beaucoup d'émotions à cette lecture, tant cela semblait ouvrir de manière somptueuse un nouvel univers.
Puis les années ont passé et la promesse n'a pas franchement été tenu. The Resistance a bien proposé quelques mini-séries dans son univers, mais absolument pas un fil rouge comme on aurait cru pouvoir l'attendre d'un scénariste au long cours comme Joseph Michael Straczynski. Face à ce constant, j'en viens à me poser la question de revendre mon album sur le marché de l'occasion. Je ne l'ai pas relu depuis quatre ans, je décide alors à me replonger dedans. Et là... le choc émotionnel est identique. Et non seulement je me souviens de la grande qualité de l'œuvre que je tiens entre mes mains, mais aussi de son statut pratiquement auto-contenu. Oui The Resistance avait pour visée d'ouvrir les portes d'un univers comics. Pour autant, JMS propose une claque magistrale qui n'a besoin de nulle suite pour offrir une lecture merveilleuse et pleinement satisfaisante.
Chaque chapitre se tient, chaque scène nous transporte à travers le monde, à travers différents moments du récit, pour le temps de quelques cases nous éblouir et nous transmettre un fond saisissant. Il y a tant de messages forts, de moments qui sonnent justes - pas au sens réaliste, car il y a parfois une bonne dose de suspension d'incrédulité à accepter. Non que le comics ne s'éloigne radicalement du monde réel. JMS mettait les pieds dans le plat à l'aube du projet en 2018 et proposait une satire acérée de Trump, anticipait une pandémie mondiale et une Russie militairement expansionniste. Le monde dans lequel il avait écrit cette histoire était sur une sombre pente. Le monde dans lequel je l'avais initialement lu y ressemblait de manière choquante. Quelques années de plus et il n'y a pas vraiment lieu d'être plus rassuré - tout le contraire. Mais The Resistance n'est pas une dystopie, c'est une flamme qui brille dans la nuit noire... C'est l'humanité face à son destin, dans ce qu'elle a de meilleur, dans ce qu'elle a de pire, dans toute sa complexité, en racontant les vies des grands du monde tout autant que celles des anonymes.
Dans cette alchimie merveilleuse qui ressort du grandiloquent phrasé de JMS et du sombre graphisme réaliste de Mike Deodato, chaque case compte et se savoure. Chaque mot est pesé et pensé pour toucher le lecteur.
Paradoxalement, le chapitre le moins intéressant est celui consacré aux "super-héros". JMS va sur un thème d'une part trop peu universel, d'autre part déjà trop disséqué par divers comics américains (et par lui en premier : Rising Stars, Supreme Powers, Sidekick...). Sans être mauvais dans ce chapitre, force est de constater qu'il se montre tellement plus pertinent et touchant à tous les autres moments du tome.
Une pépite à découvrir, et si jamais un fou veut s'en débarrasser en occasion, jeter vous dessus. Personnellement je conserve mon exemplaire…