Le dernier album formel et terminé de Hergé m'a quelque peu surpris. Les premières pages semblent humoristiques, et on peut peut-être se laisser porter en même temps que Tintin par une aventure où la " simple visite " va déboucher sur un évènement inattendu, comme dans le sympathique sans plus Vol 714. Mais ici, le début malmène le lecteur, beaucoup de cases sont traitées avec facilité, les unes de la Dépêche notamment. Les péripéties sont amenées rapidement et on décolle au San Theodoros en espérant croiser plus de détails signés Hergé par la suite.

C'est un peu le cas, mais la subtilité est moindre. Amusant de constater que c'est Tournesol qui a causé la médiocrité du whisky, qui titille dès le début, amusant de voir le genre de gags dans lesquels, s'il est traité par un Picaros ou par Tintin, Milou devient plus soumis. Mais l'humour tourne vite vers un comique de répétition lourd, qui n'est pas subtil. Si Tintin sans les deus ex machina parfois absurde n'est plus vraiment Tintin, je trouve qu'il y a ici trop de problèmes résolus facilement. Même, ils ne sont pas présentés d'une manière fluide ; quel est exactement le plan de Pablo ? Qu'advient-il de lui ou de Manolo une fois ligoté ? Autant de questions sur lesquelles on se sent forcé de passer trop vite, avant de trouver quelques réponses au hasard. Par exemple, les détails de l'emprisonnement d'Irma et de Wagner auraient pu êtré présentés en même temps que la Castafiore, au lieu d'apparaître comme par magi à sa libération.

Plus on avance, plus l'album gagne en intérêt. Merci à Lampion, merci au bus et au coup d'état le plus burlesque de tous les temps, face auquel on serait prêt à entendre le coup de klaxon digne du premier camping venu. Un air d'insouciance et de révolution cubaine souffle, ce qui ne manquera pas d'inspirer les Che en herbe, rêvant, même dans Tintin, de casser les codes et de se libérer. Pour des dixseptièmistes comme moi qui n'apprécient rien de plus que les codes classiques maîtrisés de Coke en Stock ou de Rackham le Rouge, cet album qui est le plus ancré dans la réalité politique me laisse sur ma faim, avec une impression de facilité et de manque de subtilité. J'ai certes aimé l'insouciance de Tintin en Amérique ou même de Vol 714, mais justement, on retrouve le même traitement pour un sujet éminemment important et historique.

Un album jeune qui accompagne les années 80, mais qui justement, est trop jeune, peut très bien plaire à un jeune public qui n'y verrait rien de plus qu'une aventure de Tintin ; et c'est ce qui est triste, Tintin redevient pour les enfants.
Ashen
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le 6 janv. 2013

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