Lors de ma lecture des deux premiers tomes, j'ai cru qu'il s'agirait d'un manga qui prendrait à contre pied l'obligation sociale pour une femme de 30 ans de se marier, et j'ai accueilli avec enthousiasme ce que je pensais être une œuvre audacieuse et drôle dans une société japonaise peinant encore aujourd'hui à valoriser l'émancipation féminine. Quelle ne fut pas ma déception quand j'ai du admettre, pendant ma lecture des tomes 3 et 4, que j'avais naïvement projeté sur ce manga ma propre vision du monde.
Tokyo Tarareba Girls a des qualités, c'est certain : c'est drôle, les dessins sont charmants, et certains regards sur l'époque et la condition féminine sont lucides et touchants.


Mais.


Le leitmotiv Yakafokon devient vite pénible ; il est répété à de très nombreuses reprises dans chaque tome, et quand on le lit aussi souvent dans le 4e tome, cela laisse penser que le développement des personnages est à la traîne (et, de facto, il l'est).


Le personnage de Key, en plus d'être le seul personnage mal dessiné (un comble pour un mannequin), est insupportable. Son unique excuse pour être un immense conn*rd imbu de lui-même, cruel et désagréable est bidon (tout le monde a déjà vécu des relations difficiles, si on devenait tous comme ça j'imagine pas l'enfer). Il est vraisemblablement écrit pour être le ressort de développement de Rinko mais quasi chacune de ses interventions la fait soit tomber plus bas, soit stagner. Déjà lors du tome 1, je n'avais aucune envie de revoir ce personnage et encore moins envie qu'il entame une relation d'une quelconque sorte avec cette pauvre meuf qui n'a rien demandé à personne, et qui aurait très bien pu être tirée vers le haut professionnellement d'une manière bienveillante, et non par désir de revanche envers ce trouduc.


Par ailleurs, à mesure que les tomes passent et qu'on lit le courrier des lectrices, il devient très difficile de penser que l'auteure est réellement bienveillante envers les figures qu'elle décrit. Les réponses dans le tome 4 sont inutilement cruelles au point d'en être difficiles à lire, et les faire dire par les mascottes yaka et fokon n'adoucit en rien leur dureté.


J'avoue être dans l'incompréhension face à l'évolution de l'histoire et du ton du courrier des lectrices. Le premier tome m'avait aussi séduit par sa postface dans laquelle l'auteure explique clairement qu'elle est convaincue des avantages du célibat pour les femmes, qu'elle regrette elle-même ses mariages, etc. etc. Le tome 4, après 600 pages de péripéties, se termine par Rinko qui estime qu'en tant que femmes célibataires, elle et ses amies sont des "adultes ratées", ce qui est l'exact postulat de la page 1 du tome 1. On pourrait arguer que l'auteure n'expose aucun propos politique ou social, qu'elle décrit juste la vie et les pensées de ces personnages inspirées de ces amies ; mais tout est politique, qu'on le veuille ou non, et rien dans ce manga n'apporte de contrepoint à l'opinion patriarcale et sexiste partagée par tous les personnages, et, jusqu'à preuve du contraire, par l'auteure. Au contraire !! Puisqu'il faut bien à Rinko la présence amère et paternaliste d'un jeune homme pour avancer dans sa carrière ; et que les propos profondément misogynes dudit homme sont régulièrement présentés comme vrais par les autres personnages.


J'ai vraiment envie de croire que la suite amènera (à défaut d'un propos social un minimum intéressant qui est inenvisageable à ce stade) un peu plus de plaisir et de bienveillance. Mais vu ma désillusion crasse pour les tomes 3 et 4, je ne suis pas sûre d'avoir envie de dépenser plus d'argent que ça.

Ragephaelle
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le 8 déc. 2021

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