Junji Ito est un des maîtres de l'horreur dans le manga japonais, et Tomié en est sa première création et sans doute la plus connue. Entre 1987 et 2000, 20 chapitres en sont sortis. L'ouvrage ici présenté en reprend l'intégrale. Etant allé voir l'expo 2023 à Angoulême, j'ai découvert son existence et acheté ceci. Ma fille ainée l'a lu et gardé et a fini par me le ramener.
J'avais été séduit par le graphisme pour le coup vraiment horrifique de l'oeuvre. Il y a beaucoup de créativité dans l'horreur dégagée par ce personnage, le tout étant dû à la capacité de cette créature (est-ce vraiment un être humain, permettez-moi d'en douter), à se régénérer à partir de peu de choses, son cadavre étant déjà une opportunité de régénérescence. Pousse alors une deuxième Tomié, à commencer par la tête. Tout ce que Junji Ito invente comme cas d'école est plutôt réussi, avec la plus grand-guignolesque d'entre toutes : les boulettes hachées de Tomié vidées dans des cuves de Saké, Tomié ressuscitant via les vapeurs d'alcool.
Parlant de graphisme, il faut constater l'évolution notable de celui-ci entre 1987 et 2000. En 1987, la technique de dessin me semble plutôt rudimentaire, pour arriver à la fin à quelque chose d'assez sophistiqué.
Evidemment, Tomié (enfin, c'est mon analyse), représente le désir qui rend les hommes fous et dont les filles et les femmes sont les premières victimes. Tomié en meurt, en joue, et sème la mort autour d'elle sans jamais y mettre la main. Et finalement, ce n'est pas un être humain, bien sûr, c'est l'ectoplasme, la personnification de ce désir malade.
D'aucuns se réfèrent à Stephen King pour parler de Junjo-Ito, et lui-même avoue que le romancier est une source d'inspiration. Ce que King offrait qui n'est pas offert ici, c'est la psychologisation. Pas du mal, parce que le mal est là, il ne pense pas forcément, il faut l'accepter, et ne pas le connaître nous fait encore plus peur. Mais des hommes (et quelques femmes) sombrant dans la folie meurtrière de l'adversaire supposé, qu'il soit Tomié, ou l'autre convoitant Tomié : comment la bascule se fait-elle ? que se passe-t-il dans ces cerveaux peut-être malades dès le début ? Et par contraste, que se passe-t-il dans la tête de ceux qui vont résister à Tomié ? Ca manque. En tout cas, ça me manque.
D'où la note un peu faiblarde que j'ai choisi de donner à Tomié. Junji Ito n'avait sans doute pas ce projet, mais j'aurais sans doute plus apprécié.